L’acquisition en tontine requalifiée en donation déguisée impose le rapport a succession 

Les époux spécialement en présence d’enfants d’une première union peuvent être tentés d’acheter un bien immobilier via un pacte tontinier.

Ce mécanisme permet théoriquement d’extraire le bien de la succession du premier décédé et donc de la masse à partager entre les héritiers.

Cependant, la requalification en donation déguisée de l’acquisition en tontine est possible.

Dans l’arrêt du 12 janvier 2022, la Cour de Cassation précise les conséquences de cette requalification du pacte tontinier conclu entre deux époux à savoir son rapport à la masse à se partager et son imputation sur les droits du conjoint survivant dans la succession du défunt. (Civ.1, 12 janvier 2022, n°pourvoi 20-12232, publié au bulletin)

Article initialement publiée dans Village de la Justice


Lors de l’achat d’un bien immobilier, les acquéreurs peuvent décider d’y stipuler un pacte tontinier.

Cette tontine permet que le dernier survivant des acquéreurs récupère automatiquement la quote-part du défunt et sera alors réputé rétroactivement être seul propriétaire de la totalité du bien immobilier acquis.

D’un point de vue droit des successions, le bien immobilier en tontine est extrait des biens à se partager entre les héritiers du premier décédé.

Le pacte tontinier représente donc un avantage indéniable pour le survivant.

Cependant, l’acquisition en tontine pour produire son plein effet doit constituer un contrat aléatoire à titre onéreux.

A défaut de réel aléa ans l’ordre des décès (grand écart d’âge et de santé lors de l’achat) ou/et de financement de la totalité de l’acquisition immobilière par un seul des époux, les tribunaux peuvent requalifier le pacte tontinier en donation déguisée sur demande des héritiers du défunt.

Dans l’arrêt du 12 janvier 2022, la Cour de Cassation précise les conséquences de cette requalification du pacte tontinier conclu entre deux époux. (Civ.1, 12 janvier 2022, n°pourvoi 20-12232, publié au bulletin)

La requalification en donation déguisée entraine le rapport de la valeur du bien immobilier dans la succession du défunt afin de déterminer la masse à partager entre tous les héritiers de ce dernier.

La Cour de Cassation précise aussi dans sa décision que ce rapport s’impose au conjoint survivant, contrairement à ce qu’alléguait l’épouse dans l’instance, et que la valeur réintégrée vient s’imputer sur ses droits successoraux ab intestat (prévus par la loi) avec la possibilité de réclamer le complément éventuel de cette donation déguisée si elle est inférieure au montant légal élargi à la quotité disponible spéciale entre époux en vertu de l’article 758-6 du Code Civil.

Votre avocat peut vous conseiller sur les actions amiables et judiciaires qui permettent de faire valoir vos droits dans le cadre du règlement et partage de successions.

Me Sophie RISALETTO

Le remboursement d’un prêt relais par un indivisaire décède permet à ses héritiers d’être créanciers de l’indivision 

L’achat d’un bien immobilier en indivision est source d’un important contentieux à la revente, lorsqu’un indivisaire veut sortir de cette « communauté » ou qu’il décède.

En effet, les propriétaires indivis ne concluent que rarement une convention d’indivision et se retrouvent alors soumis aux règles légales de l’indivision.

Ainsi, un bien immobilier acquis en indivision à l’aide d’un prêt bancaire « classique » (amortissable) et d’un prêt-relais, remboursés à l’aide de deniers personnels de l’un des indivisaires décédés permet-il à ses successibles de revendiquer une créance à l’encontre de l’indivision ? 

Dans son arrêt du 26 janvier 2022, la Cour de Cassation rattache le remboursement du crédit relais à la catégorie des dépenses de conservation du bien indivis et rappelle que les héritiers de l’indivisaire décédé sont titulaires d’une créance envers l’indivision fixée selon les dispositions de l’article 815-13 du Code Civil. (Civ.1, 26 janvier 2022, n°pourvoi 20-17898, publié au bulletin)

Publication initiale publiée sur Village de la Justice


L’indivision est une situation juridique dans laquelle plusieurs personnes exercent des droits de même nature sur des biens mobiliers ou immobiliers.

L’indivision peut exister sur des biens détenus en pleine propriété, en nue-propriété, ou en usufruit si les droits détenus par les personnes sont de la même catégorie.

L’indivision peut naître volontairement lors de l’achat d’un bien immobilier par des personnes en concubinage ou mariés en séparation de biens par exemple. Elle peut aussi apparaitre « automatiquement » lors de la dissolution du régime matrimonial de communauté des époux en cas de divorce ou lors d’un décès avec plusieurs successibles ayant des droits de même nature sur les biens. 

Le compte récapitulant l’actif et le passif indivis est principalement réalisé lorsqu’un indivisaire veut sortir de l’indivision. 

Un indivisaire ou ses héritiers peuvent alors revendiquer une créance à l’encontre de l’indivision.

Il conviendra d’abord de qualifier juridiquement la créance et ensuite de l’évaluer selon les dispositions légales qui lui sont applicables.

Dans l’arrêt du 26 janvier 2022, la défunte avait acheté un bien immobilier en indivision avec deux de ses petits-fils. La grand-mère avait réglé sur ses propres deniers les échéances d’un prêt bancaire « classique » (amortissable) et celle du prêt-relais avant son décès.

Ses héritiers souhaitaient que les remboursements effectués soient rattachés à la catégorie des dépenses nécessaires à la conservation du bien indivis qui permet de revendiquer une créance à l’encontre de l’indivision fixée selon les dispositions de l’article 815-13 du Code Civil.

Les petits-enfants indivisaires sur l’immeuble alléguaient que le règlement des échéances d’emprunts devait être assimilé à la catégorie des dépenses d’acquisition qui ne donne pas systématiquement droit à une créance.

La Cour de Cassation rejette leur pourvoi et approuve la position prise par la Cour d’Appel.

Elle indique notamment que « le règlement d’échéances d’emprunts ayant permis l’acquisition d’un immeuble indivis, lorsqu’il est effectué par un indivisaire au moyen de ses deniers personnels au cours de l’indivision, constitue une dépense nécessaire à la conservation de ce bien et donne lieu à indemnité sur le fondement de l’article 815-13, alinéa 1, du code civil, peu important que le prêt soit un prêt amortissable ou un crédit relais. »(Civ.1, 26 janvier 2022, n°pourvoi 20-17898, publié au bulletin)

Les héritiers de la défunte sont donc titulaires d’une créance envers l’indivision qu’il s’agisse d’un prêt « classique » (amortissable) ou d’un prêt-relais.

La Cour de Cassation a fixé le montant de la créance à hauteur de la somme payée par la défunte.

Elle a aussi usé de sa possibilité de tenir compte de l’équité prévu par l’article 815-13 du Code Civil.

La créance pour dépense nécessaire à la conservation d’un bien indivis étant égale par principe à la plus forte des deux sommes représentant la dépense faite et la plus-value.

Cette action en justice a permis aux héritiers de faire reconnaître leur créance dans le cadre d’une action en partage judiciaire de l’indivision et leur permet également en qualité de créancier de l’indivision de poursuivre la saisie et la vente de certains biens indivis pour obtenir paiement de ladite créance.

Votre avocat peut vous conseiller sur les actions amiables et judiciaires qui permettent de faire valoir vos droits dans le cadre d’indivision notamment successorale.

Me Sophie RISALETTO