Professions pharmaceutique, médicale et paramédicale – l’intérêt de la mise en société de votre cabinet libéral

Vous êtes pharmacien, médecin, ou exercez une profession paramédicale, nous allons vous présenter ici l’intérêt de changer de mode d’exploitation, alors que vous exercez actuellement en nom propre, et que vous vous posez la question du passage en société.

Il est question d’un intérêt principalement fiscal, mais pas seulement.

Le présent article évoque le passage en SELARL unipersonnelle, cas le plus simple et premier étage d’une optimisation de votre activité, mais il pourrait être développé au titre du passage à plusieurs associés, au titre du choix d’une autre structure, tel la SELAS par exemple, enfin au titre d’une volonté de pousser l’intégration fiscale au maximum avec la constitution de SPFPL.

Intérêts de la mise en société :

D’une manière générale, la mise en société du cabinet libéral permet d’organiser et d’envisager la transmission à terme de votre cabinet :

La société est en effet un outil juridique qui permet d’assurer une valorisation et une transmission progressive du cabinet à un ou plusieurs futurs associés. Ainsi, le cabinet qui va être apporté à la société à créer, en fonction de son développement, a vocation à être valorisé (valeur représentative de patientèle) auprès de tiers qui souhaiteraient intégrer la structure.

Dans le cadre d’une société, la responsabilité financière des associés, y compris celle du chef d’entreprise, est limitée au montant de leurs apports. En principe, les tiers ne peuvent donc poursuivre que la société avec laquelle ils ont contracté et non les associés.

C’est la différence notable avec les créanciers d’un entrepreneur individuel, qui peuvent saisir tous ses biens, professionnels ou non.

L’intérêt est principalement fiscal et social : dans le cadre d’une activité en nom propre, l’imposition se fait sur les bénéfices, c’est à dire sur les honoraires encaissés moins les charges déductibles.

Le passage en SELARL peut permettre  d’optimiser cette fiscalité.

En effet la société sera imposée à l’impôt sur les sociétés, alors que le Dirigeant, en l’occurrence vous professionnel qui exercerez la fonction de dirigeant, serez imposé sur l’impôt sur le revenu pour la partie de la rémunération perçue, cette rémunération étant en outre soumise à un abattement de 10%.

Pour les dividendes versés, il est possible de bénéficier d’un abattement de 40%.

Les charges sociales sont, pour leurs parts, assises sur la rémunération et sur la partie des dividendes qui dépasse 10% du capital social, des primes d’émission et des sommes versées en compte courant.

L’optimisation consiste ainsi a bien évaluer la charge fiscale et sociale sur la rémunération et les dividendes, ce que le dirigeant peut maîtriser en cours d’année en société, et non en forme individuelle.

Etant précisé que la rémunération du dirigeant constitue une charge déductible, et plus il sera pris de rémunération, moins la société payera d’IS.

Le surplus peut en outre demeuré en réserve au sein de la société. Il ne sera pas imposé à l’IR pour le dirigeant. Il y a donc des solutions suivants les années, l’activité, les besoins.

Modalités de transformation du cabinet libéral en société :

La transformation du cabinet libéral en société peut être réalisée par différents montages présentant différents intérêts.

La première modalité est la vente du fonds à une société. Cette opération permet :

  • La constitution d’une trésorerie : la vente du fonds à une société nouvellement constituée qui s’endette pour l’acheter est une opération intéressante lorsque le professionnel libéral a un besoin immédiat de trésorerie (par ex. projet immobilier personnel). Il disposera en effet des sommes prêtées par la banque, correspondant au prix de vente du fonds ;
  • Financement par l’emprunt : Dans ce schéma, la société nouvellement créée s’endette pour acheter le fonds et rembourse l’emprunt grâce aux résultats de l’activité.

La seconde modalité est l’apport à la société.

  • La SEL est ainsi créée par transformation du cabinet libéral grâce au transfert à la société des biens professionnels ;
  • L’apport est en principe exonéré de plus-value à charge de l’apporteur. La société est exonérée de droits d’enregistrement sous réserve de la conservation des parts de la SEL pendant un minimum de trois ans ;
  • Cette solution permet à la SEL de ne pas avoir à emprunter (et donc de ne pas s’endetter). Elle est souvent privilégier lorsque le professionnel libéral à l’intention soit de transmettre rapidement sa structure sociale soit de valoriser rapidement son fonds en intégrant à la société des tiers.

Choix de la structure et régime – la SELARL pour notre exemple :

Une SELARL peut opter pour le régime des sociétés de personnes Dans ce régime, vous seriez assujettis, comme actuellement, à l’impôt sur le revenu dans la catégorie BNC. Faute d’exercer cette option, la société serait alors assujettie à l’impôt sur les sociétés. C’est la solution qu’il faut envisager selon nous.

Nous vous rappellerons la différence entre ces deux régimes :

  • Concernant le taux d’imposition

Pour les PME, le taux d’imposition pour une société soumise à l’impôt sur les sociétés est, depuis 2018, de 28 % pour la fraction des bénéfices comprise entre 38 120  et 500.000 €. Pour une société soumise au régime des sociétés de personnes, le taux d’imposition serait pour chaque associé le taux marginal de ses revenus. La taxation de leurs revenus est donc fonction de leur situation familiale et de leurs autres revenus (revenus du conjoint, revenus fonciers, etc.), c’est-à-dire des revenus perçus par le foyer fiscal.

  •  Concernant la rémunération du dirigeant associé majoritaire

Avec le régime de l’impôt sur les sociétés, la rémunération allouée au dirigeant est déductible du résultat de l’exercice de la société pour le montant pris en charge. Ainsi, le résultat éventuellement bénéficiaire sera soumis à l’impôt sur les sociétés dans les conditions vues ci-dessus après déduction de la rémunération du dirigeant qui sera elle soumise, aux cotisations sociales puis à l’impôt sur le revenu du dirigeant.

  • Concernant les pertes réalisées par la société

Avec le régime de l’impôt sur les sociétés, le déficit d’un exercice peut être imputé sur les bénéfices des exercices suivants l’exercice déficitaire (sans limitation dans le temps dans la plupart des cas), ce qui permettra de réaliser une économie future d’impôt sur les sociétés. Faute de retenir le report en avant des déficits, la société peut opter pour un report en arrière sur les bénéfices des trois exercices précédant l’exercice déficitaire. Ce report en arrière fait naître une créance sur le Trésor public équivalente à l’excédent d’impôts acquitté sur les pertes imputées sur ces exercices antérieurement bénéficiaires.

Fiscalité applicable à l’opération :

La vente du fonds à la société :

  • Si l’opération peut permettre de diminuer les droits sur la transmission ultérieure des titres de la société endettée, elle entraine en revanche tous les coûts d’une vente de fonds libéral notamment l’imposition immédiate au nom du cédant :
  • Des bénéfices d’exploitation non encore taxés ainsi que, le cas échéant, des bénéfices en sursis d’imposition ;
  • Des plus-values de l’actif immobilisé, soumises au régime des plus-values professionnelles à court terme et à long terme, sauf régimes d’exonération particuliers.
  • L’opération met en outre à la charge de la société cessionnaire le droit de cession de fonds au taux de 3% sur la fraction du prix comprise entre 23.000 € et 200.000 €, et de 5% sur la fraction excédant 200.000 €.

L’apport du fonds à la société :

  • L’apport d’un fonds à une société s’analyse en une cessation d’activité. Pourtant, le législateur, pour encourager la continuation de l’entreprise sous une forme sociale, a prévu des régimes de faveur. Il s’agit de l’article 151 octies du CGI qui permet, sous certaines conditions, d’éviter l’imposition immédiate des Plus-values. Celle-ci est reportée ultérieurement, au moment de la cession de vos titres.
  •  En matière de droit d’enregistrement, l’apporteur peut choisir de se placer sous le régime prévu à l’article 810-III du CGI, en prenant l’engagement de conserver pendant trois ans à compter de la date de réalisation définitive de l’apport les parts qui lui seront remises en contrepartie de son apport. Dans ce cas, l’apport est exonéré de droit fixe.

Nous pouvons compléter notre analyse à demande, et en fonction de vos projet et objectifs (SELARL, SELAS, unipersonnelle ou non, etc.). Mais nous conseillons le passage en société au-delà d’un certain seuil de Chiffre d’affaires et d’investissements.

Nous nous tenons à disposition pour cela.

Eddy LAVIOLETTE

Avocat Associé.

Contrat d’exercice libéral et résiliation du contrat sur le fondement d’une faute grave ou d’un juste motif

Civile 1ère, 14 novembre 2018, n°17-23135 – En cas de faute grave, du fait de son importance, le maintien du contrat d’exercice conclu entre un professionnel de santé et un établissement de santé doit être prononcé avec un effet immédiat, ce qui exclu la réalisation d’un préavis, même de courte durée.

Alors que les notions de « résiliation pour faute », « résiliation pour faute grave », ou encore « résiliation pour juste motif » figurent frequemmment dans les contrats d’exercice libéral, surtout dans ceux plus anciens, la Cour de cassation n’était encore jamais venue définir ces notions, ni fixer le régime de résiliation applicable. C’est désormais chose faite avec cette arrêt de la 1ère Chambre civile du 14 novembre 2018 qui présente un double intérêt.

D’une part, dans cet arrêt la Cour de cassation vient définir cette notion de faute grave. En s’alignant sur la jurisprudence de la Chambre sociale en droit du travail (notamment Sociale, 27 sept. 2007, n°06-43867),  la Cour précise les contours de la faute grave en indiquant que c’est celle « qui rend impossible le maintien d’un contrat (…) pendant une durée même limitée au préavis ».  La définition est en effet identique au cas où les faits reprochés à un salarié rendent impossible le maintien de celui-ci au sein de l’entreprise. La définition donnée par la Cour de cassation est à notre sens transposable au cas de « juste motif » qui peut se retrouver dans certains contrats de collaboration ou d’exercice.

Si le parallèle est ici fait entre l’exercice libéral et l’exercice salarié, on pourra s’interroger sur la prise en compte de la spécificité du premier qui ne peut exister qu’en présence d’une indépendance professionnelle et en l’absence de tout lien de subordination.

D’autre part, et du fait de cette nouvelle définition, la Cour indique que la qualification de faute grave ne peut être retenue « que si la résiliation a été prononcée avec effet immédiat» Donc, si un préavis a été mis en œuvre, la notion de faute à l’égard du praticien doit nécessairement être écartée.

Il s’agit d’un revirement par rapport à l’arrêt ancien et bien connu de la même 1ère Chambre Civile, Civile 1, 13 octobre 1998, n°96-21485 : « la gravité du comportement d’une partie à un contrat peut justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, et que cette gravité (…) n’est pas nécessairement exclusive d’un délai de préavis ». Alors que la Cour de cassation jugeait encore récemment que la réalisation d’un préavis avec l’existence d’une faute ou d’un juste motif (Civile 1ère, 5 avril 2018, n°17-11897), le revirement semble bien être aujourd’hui opéré.

Compte tenu toujours de la spécificité du contrat d’exercice libéral liant un professionnel de santé avec un établissement, et auquel est souvent attaché la patientèle du praticien, on pourra une nouvelle fois s’interroger sur le bien-fondé de cette jurisprudence de la Cour de cassation, et de ce rapprochement avec les règles du droit du travail.

En tout état de cause, il convient de faire preuve d’une vigilance accrue lorsqu’il s’agit d’exposer les motifs au soutien de la résiliation d’un contrat, ainsi lorsqu’il s’agit de déterminer les modalités de fixation du terme à celui-ci, cela en fonction des clauses contractuelles y figurant.

Groupement de coopération sanitaire(ci-après « GCS ») – précisions réglementaires issues de l’arrêté du 5 avril 2019

L’arrêté du 5 avril 2019 vient préciser les mentions que doit contenir la décision d’approbation prise par le directeur général de l’ARS pour la constitution des GCS, ainsi que le contenu du rapport d’activité devant lui être transmis annuellement.

Le GCS, structure de coopération sanitaire dédié à la mise en commun de moyens et d’équipements matériels ou d’autorisations sanitaires, est régit par les dispositions des articles L 6133-1 et s. du Code de la santé publique. Il est constitué par convention soumise à l’approbation du Directeur Général de l’Agence régionale de santé (ci-après « ARS »).

Alors que les textes étaient jusqu’ici relativement flous sur le contenu de l’arrêté d’approbation, l’article 1er de l’arrêté du 5 avril 2019 vient les préciser. Celui-ci devra désormais contenir : 

  • La dénomination et de l’objet du groupement ;
  • L’identité de ses membres ;
  • Le siège social ;
  • La durée de la convention.

Si le GCS a pour objet l’exploitation d’autorisations détenues par un ou plusieurs de ses membres, la décision devra aussi mentionner : 

  • la ou les personne(s) titulaire(s) des autorisations exploitées en commun désignées par leurs numéros d’identification (numéros FINESS) et leurs coordonnées ;
  • la nature des autorisations exploitées en commun. Le cas échéant, la décision précise si l’exploitation commune porte sur tout ou partie d’une autorisation de soins autorisée (articles L. 6121-1 et s. du Code de la santé publique) ;
  • le site géographique d’exploitation en commun ;
  • lorsque l’exploitation porte sur une autorisation d’équipement matériel lourd et que ce dernier a fait l’objet d’un transfert sur le site d’exploitation commune, les coordonnées d’implantation précédant ce transfert ;
  • le cas échéant, l’autorisation du groupement à facturer les soins délivrés aux patients pour le compte de ses membres mentionnant l’échelle tarifaire applicable au groupement. La décision précise les numéros d’identification (numéros FINESS) de l’entité géographique du groupement autorisé à facturer des soins remboursables pour le compte de ses membres, ainsi que ceux des entités géographiques des établissements membres n’étant plus autorisés à facturer au titre de l’autorisation exploitée en commun.

Il s’agit ici de renforcer l’information au tiers, en étant cependant précisé que l’arrêté d’approbation reste publié au Recueil des actes administratifs de la région, ce qui ne rend pas vraiment cet arrêté, aussi complet soit-il en terme d’informations, facilement accessible.

Ensuite, et conformément à l’article R. 6133-9 du Code de la santé publique, le GCS doit transmettre chaque année au directeur général de l’ARS, un rapport retraçant son activité et ses comptes financiers, au plus tard au 30 juin de l’année suivant l’exercice auquel ils se rapportent.

L’arrêté du 5 avril 2019 en fixe le contenu, en lieu et place de l’arrêté du 23 juillet2010, abrogé à compter du 19 avril 2019.

Le rapport annuel doit désormais comporter les éléments suivants : 

  • La dénomination du groupement, l’adresse de son siège, sa nature juridique, sa composition et la qualité de ses membres ;
  • Le ou les objets poursuivis par le groupement ;
  • Le cas échéant, la détention par le groupement d’autorisations d’équipements matériels lourds ainsi que la nature et la durée de ces autorisations ;
  • Le cas échéant, la détention par le groupement d’autorisations d’activités de soins ainsi que la nature et la durée de ces autorisations ;
  • Le cas échéant, la vocation du groupement à exploiter une ou plusieurs autorisations détenues par ses membres, et les modalités de facturation ;
  • Le positionnement du groupement sur son territoire et notamment les actions de coordination et coopération menées dans son périmètre géographique et pouvant avoir un impact sur son activité ;
  • Les indicateurs d’évaluation de l’activité réalisée par le groupement de coopération sanitaire ;
  • Le bilan des actions engagées ;
  • Les comptes financiers du groupement approuvés par l’assemblée générale.

Le bilan de l’action du comité restreint doit aussi être annexé au rapport d’activité. Le directeur de l’ARS peut enfin demander au groupement tout autre élément nécessaire à la réalisation du bilan annuel de l’action des GCS.

Il suit de ces nouvelles dispositions un contrôle accru de la part des ARS sur l’activité et les comptes de ces structures de coopération sanitaire.

BIOLOGIE MÉDICALE : Procédure d’agrément d’un nouvel associé au sein d’une Société d’exercice libéral (ci-après « SEL ») de biologistes et qualité d’associé professionnel en exercice d’une Société de participations financières de professions libérales (ci-après « SPFPL »).

Problématique :

Dans le cadre de notre mission d’assistance et de conseil à des Laboratoires de biologie médicale (ci-après « LBM ») constitués en SEL, nous avons pu nous interroger sur la qualité véritable d’un ou des associé(s) prenant la forme juridique de SPFPL.

Précisément, la question nous a été posée de savoir si, dans le cadre d’une procédure d’agrément d’un nouvel associé, l’associé constitué sous forme de SPFPL pouvait ou non prendre part au vote.

Si de prime abord la question peut paraître simple, tel n’est en fait pas le cas.

Analyse :

Pour notre exposé, nous prendrons le cas d’un LBM qui serait constitué sous forme de Société d’exercice libéral à responsabilité limitée (ci-après « SELARL »).

Il sera rappelé d’abord les dispositions de l’article 5 de la loi n°90-1258 du 31 décembre 1990 sur les SEL qui permet de distinguer trois catégories principales d’associés :

  • D’abord, les associés professionnels biologistes en exercice (ou « Associés professionnels internes » ou « API ») ;
  • Ensuite, les associés professionnels biologistes qui n’exercent pas dans la SEL (ou « Associés professionnels externes » ou « APE ») ;
  • Enfin, les associés non-professionnels de la biologie (ou « Associés non professionnels » ou « ANP ») ;

Il sera encore rappelé que plus de la moitié du capital social et des droits de vote doit être détenue par des Associés professionnels internes, directement ou par l’intermédiaire notamment d’une SPFPL (art.5 de la loi n°90-1258 du 31 décembre 1990).

Les dispositions ci-avant rappelées donnent donc aux SPFPL la qualité d’Associés professionnels internes, au même titre que les biologistes associés en exercice dans la structure.

S’agissant des cessions de parts à des tiers et de la procédure d’agrément, il convient de se reporter à l’article 10, alinéa 3 de la même loi, et à l’article L 223-14 du Code de commerce. Il résulte de l’article L 223-14 que les parts sociales d’une SARL ne peuvent être cédées qu’avec le consentement de la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales, à moins que les statuts n’aient prévu une majorité plus forte.

Pour les SELARL, l’article 10 alinéa 3 substitue à cette double majorité celle d’une simple majorité des trois quarts des associés en exercice au sein de la structure.

Ainsi, conformément à l’article 10 alinéa 3, « pour l’application des dispositions de l’article L 223-14 du code de commerce, l’exigence d’une majorité des trois quarts des porteurs de parts exerçant la profession au sein de la société est substituée à celle d’une majorité à celle d’une majorité au moins la moitié des parts sociales. »

Il faut comprendre d’abord que dans les SELARL, il convient de raisonner par tête, et non par nombre de parts sociales.

Il faut comprendre ensuite que dans les SELARL, pour l’agrément d’un tiers, il convient d’obtenir le vote des ¾ des API.

Pourtant les termes « d’une majorité des trois quarts des porteurs de parts exerçant la profession au sein de la société » ne sont pas clairs.

Ce sont surtout les termes de « porteurs de parts » qui mettent le doute. 

Au sujet du vote des SPFPL dans une procédure d’agrément, on peut comprendre tout et son contraire :

  • On pourrait d’abord comprendre que l’article ne distingue pas entre associés personnes physiques et associés personnes morales – Les SPFPL voteraient donc : la SPFPL est en effet « porteuse de parts ». On pourrait objecter qu’elle n’exerce pas directement la profession mais il nous semble qu’elle conserve, le cas échéant, malgré tout sa qualité d’API sous réserve que son actionnariat soit composé à plus de 50% par des professionnels en exercice. Admettre une solution inverse reviendrait, dans certaines hypothèses, à priver du droit de vote toutes les SPFPL, ce qui ne semble pas avoir été souhaité par le législateur ;
  • On pourrait à l’inverse comprendre aussi que ces termes de « porteurs de parts » ajoutent une condition pour l’agrément, à savoir que le vote est réservé aux biologistes médicaux en exercice dans la structure et personnes physiques.

Les SPFPL, bien qu’API, ne voteraient pas. Ainsi, l’article 10 précité sous-entendrait que le vote est réservé aux personnes physiques.

A ce stade, il n’est pas possible de trancher dans l’un ou l’autre sens.

Cependant, le doute en la matière se trouve renforcé par les termes du décret n°2016-46 du 26 janvier 2016 relatif à la biologie médicale qui est venue règlementer, avec plus de précisions, les procédures de cession de parts et d’actions dans les SEL de biologistes dérogatoires (L 6223-8 II du CSP) et la procédure d’agrément :

« Art. R. 6223-65 du CSP :

I. Le projet de cession de parts sociales ou d’actions d’une société d’exercice libéral de biologistes médicaux mentionnée au II de l’article L. 6223-8 est notifié au représentant légal de la société et à chacun des biologistes médicaux, personnes physiques exerçant dans la société, par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. La notification vaut offre de cession au profit de chacun des biologistes médicaux et mentionne, à peine de nullité, le prix et les conditions.

(…)

V. Dans tous les cas, une copie des notifications mentionnées au I du présent article est transmise au conseil de l’ordre compétent et au directeur général de l’agence régionale de santé dans le ressort desquels est situé le siège social de la société.

V. Toute cession de parts sociales ou d’actions réalisée en violation du présent article est inopposable à la société et aux associés ou actionnaires. »

Effectivement, ce texte, bien que réservé aux seuls SEL de biologistes dérogatoires, vise bien exclusivement, dans son premier alinéa, la notification du projet de cession aux seuls biologistes médicaux, personnes physiques exerçant dans la société, sans qu’il ne soit plus fait référence à la notion de « porteur de parts».

On peut encore une fois soit comprendre que les personnes morales ne participent pas, soit que les personnes morales peuvent participer mais à la seule condition que leurs associés et représentants soient eux-mêmes API personnes physiques.

Les textes sont véritablement peu clairs et mêmes contradictoires.

Dans le cadre de nos recherches, nous n’avons pas trouvé de doctrine sur la question et peu de jurisprudences.

Nous avons tout de même pu isoler un arrêt de la Cour d’appel de Paris, Pôle 2, chambre 1, du 23 janvier 2013, n° 12/03543 qui a invalidé une décision d’exclusion d’un associé d’un cabinet d’avocat constitué sous forme de SELAS. Il s’agissait d’une SELAS composée de trois associés, dont deux personnes physiques et une SPFPL. La décision d’exclusion est invalidée par la Cour au motif que le vote devait réunir l’unanimité, ce qui n’avait pas été le cas, et les juges du fond dans leur calcul relèvent que seuls deux associés exerçaient leur profession au sein de la structure et excluent de fait du vote la SPFPL bien qu’API et détenue par un avocat en exercice dans la structure. Du moins, c’est ce qui peut être déduit a contrario de cette décision.

Au vu de ce qui précède, nous estimons qu’il serait dangereux de faire voter les SPFPL dans le cadre de procédure d’agrément au regard des conséquences en cas de contestation du vote, à savoir l’invalidation celui-ci. 

Du moins, c’est le conseil que nous donnons à nos clients.

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La « fusion » des groupements de coopération sanitaire (ci-après « GCS ») en question ?

22 mars 2017

Par Maître Eddy LAVIOLETTE

Le cabinet NEW WAVE Avocats a été consulté au titre d’un projet de rapprochement de deux GCS régionaux (dont l’objet est de développement de l’e-santé sur le territoire) suite à la réforme territoriale. 

En effet, le regroupement ou la fusion de certaines régions françaises a rendu nécessaire une redéfinition du cadre de certaines coopérations. Sous l’égide des ARS, il a ainsi été demandé aux GCS e-santé régionaux, dont la compétence territoriale était impactée par la réforme, de se rapprocher, de fusionner.

Lorsque l’on connait le cadre législatif et réglementaire applicable aux GCS, il est assez vite apparu évident qu’il n’existait pas d’hypothèse de convergence simple à mettre en œuvre et permettant le rapprochement des GCS e-santé régionaux existants et leur transformation en une seule entité juridique. 

En effet, force était d’abord de constater que les textes législatifs et réglementaires ne prévoyaient pas spécifiquement un mécanisme de fusion entre deux GCS,  à la différence des textes relatifs aux sociétés civiles, aux sociétés commerciales et aux associations.  

De fait, il convenait de mettre en place différentes opérations juridiques permettant d’aboutir à l’objectif poursuivi, mais sans que l’une ou l’autre des structures ne puisse bénéficier d’une transmission universelle de patrimoine proprement dite emportant transmission des actifs, des passifs et des différents engagements d’une des entités partie à l’opération à l’autre entité. 

Deux schémas ont donc dû être analysés, schémas permettant de facto d’aboutir à la fusion recherchée : d’une part, l’absorption d’un GCS par l’autre, la fusion découlant de la dissolution d’un GCS et de la transmission des activités, droits et actifs de celui-ci à l’autre, d’autre part, la création d’une nouvelle entité qui fusionnerait les deux GCS e-santé, avec transmission des biens et activités à la nouvelle entité. 

Ce sont plusieurs critères qui ont permis d’isoler le schéma juridique de rapprochement à retenir :

  • Le sort des actifs des GCS dans le cadre de la réalisation des opérations ;
  • La fiscalité applicable aux opérations ;
  • Les conséquences en matière sociale, contractuelle, etc. ;
  • Et enfin, la volonté d’arrêter un choix sur un mécanisme simple et sécurisé. 

Les mécanismes du droit français apportent des solutions même si les textes sur les GCS ne sont pas d’une grande aide.

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Médecins / Cliniques – Contrats d’exercice libéral – Rappel du régime de la résiliation et des clauses d’exclusivité

Lettre d’actualité en droit de la santé, droit de l’entreprise médicale et sciences du vivant.

Mai 2014 – lettre n°2

CA CAEN, 4 février 2014, n°11/03773 – Polyclinique de Deauville – Monsieur L. ;

CA CAEN, 11 mars 2014, n°11/03616 – Polyclinique de Deauville – Docteur D. ;

Faits :

La Cour d’Appel de Caen a été saisie de deux affaires trouvant leur origine dans la restructuration d’une Polyclinique en suite de la création d’un pôle de santé public-privé et d’un regroupement d’activités hospitalières. La Polyclinique de Deauville, perdant sa maternité,  obtenait semble-t-il en contrepartie  l’autorisation d’ouvrir un nouveau service de réadaptation en lieu et place de la maternité.

Dans l’arrêt du 11 mars 2014, le Docteur D, médecin gynécologue-obstétriciens, lié à l’établissement par un contrat d’exercice et jouissant d’une co-exclusivité pour l’exploitation des 15 lits de la maternité de la Polyclinique,  invoquait une résiliation aux torts de l’établissement, et l’indemnisation correspondante, du fait de la fermeture de la maternité et la perte de son activité obstétrique.

Dans l’arrêt du 4 février 2014, Monsieur L, kinésithérapeute et lié à l’établissement par un contrat d’exercice incluant une clause d’exclusivité pour l’exercice de son art, se plaignait de ce que l’ouverture du service de réadaptation, avec intégration d’un nouveau kinésithérapeute et d’un médecin spécialisé en médecine physique, avait atteint son exercice privilégié. Il sollicitait de la juridiction que celle-ci reconnaisse que l’établissement, par ce manquement, avait résilié le contrat et qu’il devait indemnisation.

L’appréciation de la responsabilité de l’établissement :

Dans les deux cas qui lui étaient soumis, la Cour d’appel cherche à qualifier la faute commise par l’établissement et l’atteinte portée à l’activité des praticiens.

Pour ce qui concerne le Docteur D, médecin gynécologue-obstétriciens, il est acté du fait que le praticien, en raison de la fermeture de la maternité, a été privé de la possibilité de poursuivre son activité obstétrique dans les conditions prévues au contrat d’exercice à partir de la fin de l’année 2007. Ce fait est imputé à l’établissement et la résiliation du contrat d’exercice reconnue à ses torts exclusifs.

Pour ce qui concerne Monsieur L, kinésithérapeute, l’appréciation des faits du litige se réalise sous un autre angle puisque celui-ci n’a pas été privé d’activité mais a par contre était victime d’une atteinte à son exercice privilégié du fait de l’ouverture d’un nouveau service d’hospitalisation de jour avec intégration d’un nouveau kinésithérapeute et d’un médecin spécialisé en médecine physique.

Pourtant, on sait que, en matière de clause d’exclusivité, les tribunaux ne cherchent pas simplement à mettre en évidence le principe même du manquement à la clause et à l’exercice privilégié, mais plus l’effectivité du manquement sur l’activité du professionnel protégé ou privilégié. (Pour ex. Civile 1, 9 juin 2011, n°10-17959 – cas dans lequel la Cour de cassation constate qu’en dépit de la violation contractuelle, le praticien ne subit aucun préjudice).

Dans le cas d’espèce, la Cour d’appel de Caen adopte le même raisonnement en indiquant que « la violation de la clause d’exclusivité ne doit pas être sanctionnée de plein droit par la résiliation du contrat d’exercice ». 

L’appréciation de la faute ne se réalise donc pas de façon purement abstraite et détachée des faits surtout lorsque, comme au cas d’espèce, « les actes de kinésithérapie accomplis par les nouveaux praticiens exerçant dans le centre de réadaptation fonctionnelle ne recouvrent pas ceux qu’effectuaient Monsieur L. dont les patients relevaient d’une prise en charge plus légère et que, dès lors, l’impact de la violation de la clause contractuelle litigieuse sur le chiffre d’affaires et la cessibilité du contrat n’était pas démontré. » Au regard de ces constatations, le praticien est donc débouté de sa demande de résiliation du contrat aux torts de l’établissement. Une faute de la clinique est cependant retenue.

La confrontation des deux arrêts est intéressante puisque ils fixent la tendance actuelle en matière de contrat d’exercice qui est non plus de caractériser les manquements en quelque sorte de façon abstraite mais d’apprécier l’impact des manquements sur l’activité des praticiens concernés.

On notera que dans le cas du gynécologue obstétricien, le manquement de l’établissement est jugé suffisamment grave pour prononcer la résiliation du contrat alors même qu’en suite de la fermeture de la maternité, celui-ci avait conservé une certaine activité au sein de l’établissement, l’arrêt ne précisant pas cependant l’importance de l’activité conservée, se contentant de relever « l’importance du manquement » de l’établissement.

Il sera encore observé au titre de ces deux arrêts que l’établissement, pour tenter de dégager sa responsabilité, invoquait un cas de force majeure ou de fait du prince tiré des contraintes imposées par l’ARH (aujourd’hui ARS) et de la planification hospitalière ayant conduit l’établissement à entrer dans le cadre d’une restructuration. Bien que cet objectif de restructuration figurait au SROS, que la disparition de la maternité y était actée, les juges d’appel constatent l’absence de décision de la tutelle opérant retrait de l’autorisation de l’établissement ou non renouvellement de celle-ci, pour rejeter la défense de l’établissement.

Au titre d’une telle défense, nous constaterons qu’il nous semble toujours délicat en la matière d’invoquer une cause exonératoire ou un cas de force majeur au titre des objectifs fixés par la tutelle, sauf le cas d’une clause claire et précise dans le CEL, puisque les contraintes de la planification sont connues des deux parties. Il n’y a donc jamais de cas imprévisible et irrésistible pour les parties.

Il en est d’autant plus ainsi que les ARS prennent la précaution de privilégier les discussions entre les parties et évitent de recourir à des arrêtés de retrait ou de non-renouvellement d’autorisation. Dans le cas présent, l’établissement avait été conduit à négocier avec les autres établissements concernés par le projet de restructuration et avait régularisé un protocole d’accord dans lequel il actait le transfert de sa maternité vers le nouveau pôle public-privé, et donc son accord de principe au titre de la restructuration envisagée. La défense ne pouvait donc prospérer favorablement sur le fondement d’une cause extérieure.

Dans un tel cas, plutôt que le cas de force majeure ou le cas fortuit, il nous semble plus pertinent d’invoquer une disparition de l’objet ou de la cause du contrat en cours d’exécution ce qui a pour effet de ne pas placer le débat sur le terrain de la faute mais sur celui  de la redéfinition des conditions d’exécution du contrat, redéfinition imposée par un tiers, et non par les parties.

L’évaluation de l’indemnisation due aux praticiens :

En la matière, la Cour d’appel de Caen rappelle le régime désormais fixé pour les clauses indemnitaires figurant aux contrats d’exercice et prévoyant généralement des annuités d’honoraires en cas  de manquements contractuels.

Ces clauses sont des clauses pénales, au sens de l’article 1152 du code civil, réductibles si elles s’avèrent manifestement excessives au regard du préjudice subi.

Pour reprendre les termes employés par la Cour d’appel, ce type de clauses ne fixe que « la limite supérieure de l’indemnisation ».

Dans les cas d’espèce :

  • Alors que la Cour constate que s’agissant de l’activité de Monsieur L. kinésithérapeute, « l’impact de la violation de la clause contractuelle litigieuse sur le chiffre d’affaires et la cessibilité du contrat n’était pas démontré », elle accorde à ce dernier une indemnisation presque symbolique à hauteur de 10.000 euros ;
  • Pour le Docteur D, gynécologue-obstétricien, c’est une indemnité correspondant au tiers de 200 % des honoraires perçus au cours des trois dernières années au titre des patients hospitalisés qui lui est accordée, soit une somme de 98.010 euros, outre une indemnité de préavis puisqu’apparemment l’établissement n’avait pas pris les précautions nécessaires en la matière. 

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  • Professions de santé – Biologie médicale

CE, 6 février 2014, n°371236 – Syndicat National des médecins biologistes / Ministère de la santé ;

Conseil Constitutionnel, 4 avril 2014, n°2014-389 QPC ;

Le syndicat national des médecins biologistes avait saisi le Conseil d’Etat d’une demande d’annulation de l’arrêté du ministre des affaires sociales et de la santé du 11 juin 2013 déterminant la liste des tests, recueils et traitements de signaux biologiques ne constituant pas un examen de biologie médicale, des catégories de personnes pouvant réaliser certains de ces tests, recueils et traitements, comme étant non conforme à la constitution.

Dans son arrêt du 6 février 2014, le Conseil d’Etat avait décidé de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

Le 4 avril 2014, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision, elle est la suivante :

« Considérant que le législateur a défini les examens de biologie médicale, délimité leur champ d’application et encadré les conditions et modalités de leur réalisation ; qu’en excluant de cette définition les tests, recueils et traitements de signaux biologiques qui constituent des éléments de « dépistage, d’orientation diagnostique ou d’adaptation thérapeutique immédiate » et en renvoyant à un arrêté le soin d’établir la liste de ces tests, recueils et traitements de signaux biologiques et de déterminer les catégories de personnes pouvant les réaliser, ainsi que, le cas échéant, les conditions de leur réalisation, l’article L. 6211-3 n’a pas habilité le pouvoir règlementaire à adopter des dispositions qui mettent en cause des règles ou des principes fondamentaux que la Constitution place dans le domaine de la loi ; que, par suite, le grief tiré de ce que le législateur aurait méconnu l’étendue de sa compétence doit en tout état de cause être écarté ; 

Considérant que les dispositions contestées, qui ne sont contraires à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution, 

D É C I D E :

Article 1er.- L’article L. 6211-3 du code de la santé publique est conforme à la Constitution. 

Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. »

La question prioritaire de constitutionnalité est donc rejetée.

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Médecins / Cliniques – Contrats d’exercice libéral – Les nouveaux développements du contentieux des redevances

Lettre d’actualité en droit de la santé, droit de l’entreprise médicale et sciences du vivant.

Avril 2014 – lettre n°1

  • Médecins / Cliniques – Contrats d’exercice libéral – Les nouveaux développements du contentieux des redevances

Contexte

Il nous semble intéressant de relever, à la lecture des jurisprudences parues en matière de contrat d’exercice libéral ces derniers mois, la recrudescence des contestations liées aux redevances sollicitées par les établissements en contrepartie du coût des prestations de services mises à la disposition du médecin, ou autre professionnel de santé libéral.

Pour exemples :

CA Metz, 26 novembre 2013, Jurisdata n°2013-028070

CA Orléans, 2 décembre 2013, inédit, n°12-03286

CA Paris, 21 mars 2014, inédit, n°12-23280

CA Paris, 21 mars 2014, inédit, n°13-01268

Dans le cadre de contentieux opposant les établissements aux professionnels de santé libéraux, la contestation devient même pratiquement systématique pour le professionnel de santé qui cherche, soit à étayer les autres griefs qu’il croit tenir à l’encontre de son cocontractant (contestation élevée à la suite de la résiliation d’un contrat et à titre subsidiaire par le praticien, CA Paris, 21 mars 2014, inédit, n°13-01268), soit à élever, à postériori, un tel grief alors même qu’il acquittait, depuis un certain nombre d’années et sans contestation particulière, une redevance fixée forfaitairement à 12 % de ses honoraires –  CA Orléans, 2 décembre 2013, inédit, n°12-03286 – dans ce dernier cas, la Cour ramène, sur le fondement de la répétition de l’indu, le taux de redevance de 12% à 5 %, faute pour la Clinique d’avoir pu justifier de ce pourcentage de 12 %).

 Rappel sur le régime juridique de la redevance :

La matière ici abordée est caractéristique des atteintes portées à la force obligatoire du contrat d’exercice libéral. En effet, et depuis presque vingt ans, le juge se reconnait le droit, sur le fondement des dispositions de l’article L 4113-5 du CSP, de venir vérifier la clause du contrat d’exercice par laquelle l’établissement entend, soit forfaitairement soit par un pourcentage, réclamer un montant de redevance au professionnel pour services rendus.

Pour rappel, l’article L 4113-5 du CSP prohibe le partage d’honoraires entre médecin et non-médecin.

« En dérogation à l’article L 4113-5, dont le but est la protection du médecin contre l’atteinte à la rémunération de son activité, la partage de ses honoraires avec une personne ne remplissant les conditions requises pour l’exercice de sa profession est permis, dans la seule mesure où la redevance ainsi réclamée correspond exclusivement, par sa nature et son coût, à un service rendu au praticien.» 

Civile 1, 20 mai 2003, BC n°123

A noter que si les instances ordinales réclament pour leurs membres des systèmes précis de facturation des prestations fournies aux médecins par les établissements (à l’€ près !), le juge reconnait lui qu’aucun texte n’impose l’adoption de clauses de facturation des prestations fournies au cout réel. Ainsi, il peut valider des taux de redevance fixés à 10, 12, 15 % du montant des honoraires si l’établissement le met en mesure de constater que le montant réclamée ou perçue  constitue la contrepartie du coût des prestations servies au praticien, c’est-à-dire que le montant des redevances réclamées n’est pas disproportionné par rapport au coût des services rendus.

Civile 1, 13 mars 2007, Médecine et Droit, janv. 2008, n°88 ; Civile 1, 1erjuil. 2010, BC n°154 ; CA Paris, 21 mars 2014, inédit, n°13-01268 ; CA Paris, 21 mars 2014, inédit, n°12-23280.

A l’inverse, lorsque l’établissement n’est pas en mesure de rapporter les justifications pour ses demandes de redevances, il succombe en justice.

CA Metz, 26 novembre 2013, Jurisdata n°2013-028070 ; CA Orléans, 2 décembre 2013, inédit, n°12-03286.

Conseils pratiques

Constatant le caractère systématique de la réclamation dans les contentieux médecins-cliniques, du côté des établissements, les préconisations suivantes peuvent être données.

Si le juge se reconnait le droit de remettre en cause, malgré les termes d’un contrat, le montant forfaitaire d’une redevance ou le pourcentage du montant des honoraires, bien que convenu entre les parties, l’atteinte à la force obligatoire du contrat n’est cependant pas totale puisque celui-ci refuse toujours, dans les contentieux qui lui sont soumis, d’imposer aux établissement une facturation des services rendus au cout réel.

De fait, et puisque ce type de contentieux se résume à un contentieux de la preuve de l’adaptation du montant réclamé aux services fournis (proportionnalité), les établissements de soins peuvent toujours chercher à sécuriser, en amont, leur position de la façon suivante :

  • D’abord, en adoptant des taux ou montants de redevance individualisés et proportionnés au professionnel en cause ;
  • Ensuite et surtout, en portant une attention particulière à la rédaction de clause « de redevance ». La force obligatoire du contrat conserve toujours une certaine vigueur, surtout en présence d’une clause claire et précise destinée à informer le professionnel sur ses engagements. 

La simple référence à une contrepartie des services rendus par l’établissement ne peut plus suffire. Selon nous, la jurisprudence actuelle impose que les prestations et services rendus par l’établissement soient énumérés et décrits, même si la liste n’est pas exhaustive : service comptabilité, service facturation, secrétariat (réception des appels téléphoniques par ex.), frais de fonctionnement, consommables, etc.) ; 

  • Enfin, les établissements devraient, selon nous, porter une attention particulière au libellé de leurs facturations en la matière. 

On sait en effet que l’absence de contestation ou de remise en cause d’une facturation peut constituer un élément déterminant – CA Orléans, 2 décembre 2013, inédit, n°12-03286.

Dans la même mesure que pour la clause du contrat d’exercice qui doit détailler les services effectivement rendus, il nous semble que la facturation mensuelle ou trimestrielle doit aussi reprendre un détail identique. En l’absence de contestation par le professionnel de la facturation mensuelle ou trimestrielle, il sera bien plus délicat pour lui de venir élever une contestation en la matière, et à posteriori.

Ces précautions ne seront pas inutiles puisque les juges n’hésitent plus aujourd’hui, au regard des sommes en litige, à recourir à des mesures d’expertise pour vérifier la pertinence du montant des redevances réclamées.

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  •  Médecins / Cliniques – Contrats d’exercice libéral – Le bail professionnel, consenti au praticien pour son activité de consultations auprès des clients non hospitalisés, est l’accessoire du contrat d’exercice

Jurisprudence : CA Lyon, 4 février 2014, inédit, n°13/07817 

La Cour d’appel de Lyon, dans un arrêt daté 4 février 2014,  vient de nous apporter un éclaircissement qui pourrait s’avérer intéressant dans le cadre de certaines situations contractuelles.

On sait que la conclusion d’un contrat d’exercice avec un professionnel de santé peut se doubler de la concession à ce dernier, par l’établissement, de locaux pour l’activité de consultations du praticien à destination de patients non hospitalisés.

Cette location à titre professionnel ne fait pas toujours l’objet d’un contrat  écrit. Parfois, lorsque les parties prennent la peine d’établir un tel contrat, le CEL et le bail peuvent avoir des régimes juridiques distincts (cas de l’arrêt commenté).

Quoique les parties aient pu convenir ou écrire, il ressort des termes de l’arrêt de la Cour d’appel de Lyon que le bail est l’accessoire du CEL, et donc que le premier doit suivre le régime du second.

La Cour a ainsi considéré, «sans qu’il soit besoin d’interpréter les clauses contractuelles clairement rédigées par les parties, qu’accessoirement à un contrat d’exercice libéral auprès des clients hospitalisés, les parties ont entendu régir les conditions d’occupation d’un local mis à disposition du praticien pour la réception de patients externes non hospitalisés.

Il ressort de ces dispositions combinées, qu’en raison du fort intuitu personae nécessairement attaché au contrat d’exercice libéral, les parties ont convenu aux termes du contrat de mise à disposition de locaux (…) qu’elles n’entendaient pas autoriser l’occupation des locaux de consultation par le médecin en dehors l’existence du contrat d’exercice libéral. »

Les dispositions du CEL priment donc sur celles du bail ou du contrat de mise à disposition…et selon la Cour d’appel de Lyon, elles peuvent même mettre en échec les dispositions qui lui serait contraires.

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