Le remboursement d’un prêt relais par un indivisaire décède permet à ses héritiers d’être créanciers de l’indivision 

L’achat d’un bien immobilier en indivision est source d’un important contentieux à la revente, lorsqu’un indivisaire veut sortir de cette « communauté » ou qu’il décède.

En effet, les propriétaires indivis ne concluent que rarement une convention d’indivision et se retrouvent alors soumis aux règles légales de l’indivision.

Ainsi, un bien immobilier acquis en indivision à l’aide d’un prêt bancaire « classique » (amortissable) et d’un prêt-relais, remboursés à l’aide de deniers personnels de l’un des indivisaires décédés permet-il à ses successibles de revendiquer une créance à l’encontre de l’indivision ? 

Dans son arrêt du 26 janvier 2022, la Cour de Cassation rattache le remboursement du crédit relais à la catégorie des dépenses de conservation du bien indivis et rappelle que les héritiers de l’indivisaire décédé sont titulaires d’une créance envers l’indivision fixée selon les dispositions de l’article 815-13 du Code Civil. (Civ.1, 26 janvier 2022, n°pourvoi 20-17898, publié au bulletin)

Publication initiale publiée sur Village de la Justice


L’indivision est une situation juridique dans laquelle plusieurs personnes exercent des droits de même nature sur des biens mobiliers ou immobiliers.

L’indivision peut exister sur des biens détenus en pleine propriété, en nue-propriété, ou en usufruit si les droits détenus par les personnes sont de la même catégorie.

L’indivision peut naître volontairement lors de l’achat d’un bien immobilier par des personnes en concubinage ou mariés en séparation de biens par exemple. Elle peut aussi apparaitre « automatiquement » lors de la dissolution du régime matrimonial de communauté des époux en cas de divorce ou lors d’un décès avec plusieurs successibles ayant des droits de même nature sur les biens. 

Le compte récapitulant l’actif et le passif indivis est principalement réalisé lorsqu’un indivisaire veut sortir de l’indivision. 

Un indivisaire ou ses héritiers peuvent alors revendiquer une créance à l’encontre de l’indivision.

Il conviendra d’abord de qualifier juridiquement la créance et ensuite de l’évaluer selon les dispositions légales qui lui sont applicables.

Dans l’arrêt du 26 janvier 2022, la défunte avait acheté un bien immobilier en indivision avec deux de ses petits-fils. La grand-mère avait réglé sur ses propres deniers les échéances d’un prêt bancaire « classique » (amortissable) et celle du prêt-relais avant son décès.

Ses héritiers souhaitaient que les remboursements effectués soient rattachés à la catégorie des dépenses nécessaires à la conservation du bien indivis qui permet de revendiquer une créance à l’encontre de l’indivision fixée selon les dispositions de l’article 815-13 du Code Civil.

Les petits-enfants indivisaires sur l’immeuble alléguaient que le règlement des échéances d’emprunts devait être assimilé à la catégorie des dépenses d’acquisition qui ne donne pas systématiquement droit à une créance.

La Cour de Cassation rejette leur pourvoi et approuve la position prise par la Cour d’Appel.

Elle indique notamment que « le règlement d’échéances d’emprunts ayant permis l’acquisition d’un immeuble indivis, lorsqu’il est effectué par un indivisaire au moyen de ses deniers personnels au cours de l’indivision, constitue une dépense nécessaire à la conservation de ce bien et donne lieu à indemnité sur le fondement de l’article 815-13, alinéa 1, du code civil, peu important que le prêt soit un prêt amortissable ou un crédit relais. »(Civ.1, 26 janvier 2022, n°pourvoi 20-17898, publié au bulletin)

Les héritiers de la défunte sont donc titulaires d’une créance envers l’indivision qu’il s’agisse d’un prêt « classique » (amortissable) ou d’un prêt-relais.

La Cour de Cassation a fixé le montant de la créance à hauteur de la somme payée par la défunte.

Elle a aussi usé de sa possibilité de tenir compte de l’équité prévu par l’article 815-13 du Code Civil.

La créance pour dépense nécessaire à la conservation d’un bien indivis étant égale par principe à la plus forte des deux sommes représentant la dépense faite et la plus-value.

Cette action en justice a permis aux héritiers de faire reconnaître leur créance dans le cadre d’une action en partage judiciaire de l’indivision et leur permet également en qualité de créancier de l’indivision de poursuivre la saisie et la vente de certains biens indivis pour obtenir paiement de ladite créance.

Votre avocat peut vous conseiller sur les actions amiables et judiciaires qui permettent de faire valoir vos droits dans le cadre d’indivision notamment successorale.

Me Sophie RISALETTO

Restaurateurs et débuts de boissons fermés : l’exception inexécution est à votre service pour vos dettes de loyers !

Le coronavirus a entraîné la fermeture de l’ensemble des restaurants (hors vente à emporter) et débits de boissons depuis le 15 mars 2020.

Ces commerçants ont donc été empêchés de poursuivre leur activité, et ils ne savent toujours pas quand ils vont pouvoir la reprendre ni dans quelles conditions.

Le gouvernement a donné des consignes aux propriétaires-bailleurs de locaux commerciaux fermés, mais seulement pour les très petites entreprises (TPE). Elles ne sont, pour autant, pas coercitives à ce jour.

La question des dettes de loyers, si elle n’est pas déjà mise sur la table par les propriétaires-bailleurs, doit être examinée avec sérieux par les restaurateurs et débitants de boissons, quel que soit leur taille, face au risque de perdre leur droit au bail.

L’exception d’inexécution est à votre service pour vos dettes de loyers !

L’annulation des loyers due par les restaurateurs et débitants de boissons durant leur fermeture au public imposée par le gouvernement n’est pas « gravée dans le marbre ».

Certes, Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances, a sollicité la bienveillance des propriétaires-bailleurs et a demandé à ce qu’un code de bonne conduite soit élaboré avec un médiateur qui devrait suivre sa mise en œuvre. https://www.cncc.com/17-avril-2020-communique-de-presse-de-bruno-le-maire/

Si les négociations n’aboutissent pas entre bailleur et locataire, ou que les modalités de règlement échelonné ne sont pas réalisables par le commerçant dans le contexte de crise économique à venir, le propriétaire-bailleur souhaitera sans doute se défaire dudit restaurateur et débitant de boissons.

Le droit au bail, outre le fait qu’il est un outil indispensable à l’exploitation de l’activité, et aussi un élément patrimonial clé dans la cession future de leur fonds de commerce.

Or, il est généralement inséré dans un bail commercial une clause de résolution de plein droit pour non-paiement des loyers et accessoires à échéance convenue.

Le silence du bailleur, l’absence de demande en paiement des loyers durant la fermeture des locaux commerciaux, ou encore le seul écoulement du temps est impropre à caractériser la volonté de renoncer à se prévaloir de la clause résolutoire (cass. 3ème civ., 19 mars 2008, n°07-11194).

Il est en effet exigé que le propriétaire-bailleur ait renoncé expressément et de façon non-équivoque au bénéfice de la clause résolutoire.

Pour autant, les tribunaux ont pu retenir comme obstacle à la résolution du bail la privation de la jouissance totale des locaux loués en raison de l’interdiction municipale d’ouvrir les lieux au public (CA PARIS, 16ème ch., 20 mai 1997 : Gaz. Pal., 11 décembre 1997, p.20)

Les juges ont alors déclaré que l’exception d’inexécution avancée par le locataire pour refuser de payer les loyers était fondée (Cass. 3ème civ., 1er mars 1995, n°93-13812).

Le bail est, en effet, un contrat synallagmatique comprenant des obligations pour le bailleur et le preneur.

Le propriétaire-bailleur doit délivrer le local, l’entretenir pour l’usage utile prévu au contrat et en assurer la jouissance paisible à son locataire (article 1719 du Code Civil).

La cause de l’inexécution n’exonèrerait pas le bailleur de son obligation de délivrance d’un local permettant d’y exercer son activité comme a pu l’indiquer la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE, 11e chambre A, dans son arrêt du 17 novembre 2015 (Numéro : 2015/ 583).

Le locataire ne serait ainsi pas tenu de payer les loyers qui seraient la contrepartie de l’obligation de délivrance qui pèse sur le bailleur, selon une jurisprudence établie (Cass. 1er civ., 20 juin 1995, n°93-16807 ; CA RENNES, 5ème ch., 5 juin 2019, n°16-06391).

La fermeture des restaurants et débits de boissons, non fautive car imposée dans le cadre de la lutte contre le Coronavirus, empêche le locataire d’accueillir du public dans le local loué (hors cas de vente à emporter). Le preneur ne jouirait plus ni paisiblement, ni utilement de son local et ne serait donc plus tenu de régler son loyer durant la période de fermeture.

Il est donc conseiller de recourir au service d’un avocat qui peut vous assister dans les négociations à venir.

De surcroît, les correspondances entre avocats, bénéficiant par principe de la confidentialité, permettent une négociation « secrète » afin de trouver un accord équilibré et préservant la bonne entente dans la poursuite de la relation locative entre les restaurateurs et débitants de boissons et leurs propriétaires-bailleurs.

Il sera, enfin, précisé que la notion de force majeure est appréciée particulièrement strictement par les tribunaux, qui ont déjà refusé de la reconnaitre dans le cas de précédente épidémie (CA BESANCON 8 janvier 2014 n°12/0229 sur la grippe H1N1).

A votre service !

Me Sophie RISALETTO

Professionnels de l’immobilier : négocier votre droit de rétractation pour pouvoir en bénéficier en cas d’achat d’un bien d’habitation !

En cas de vente immobilière, la loi a instauré un droit de rétractation au profit de l’acquéreur non-professionnel lors de l’achat d’un immeuble d’habitation.

Les professionnels sont exclus de cette protection légale.

Dans son arrêt du 5 décembre 2019, la Cour de Cassation reconnait qu’un droit de rétractation peut profiter à un professionnel, et que le vendeur non-professionnel n’est pas recevable à réclamer le montant de la clause pénale suite à la rétractation de son acquéreur prévue contractuellement dans l’avant-contrat. (Civ.1, 5 décembre 2019, n°pourvoi 18-24152, publié au bulletin)

L’article L271-1 du Code de la Construction a instauré un droit de rétractation pour l’acquéreur non-professionnel lors de l’achat d’un immeuble d’habitation.

Les professionnels sont exclus de cette protection légale.

Rien n’est précisé dans la loi pour les acquéreurs – personnes morales.

La qualification d’achat à titre professionnel par une personne morale doit ainsi être examinée au regard de son objet social et du but poursuivi via cette acquisition.

L’incertitude pouvant en résulter peut conduire à prévoir ce droit de rétractation dans l’avant-contrat et à le notifier après signature par les parties.

Dans son arrêt du 5 décembre 2019, la Cour de Cassation a eu à trancher la question de l’application de ce droit de rétractation pour un acquéreur personne morale dont l’objet social révélait sa qualité de professionnel de l’immobilier.

Le vendeur était un non-professionnel. Il réclamait le montant de la clause pénale de 232.500 euros à son acquéreur arguant que sa rétractation n’était pas valable, malgré l’insertion d’une clause dans l’avant-contrat qu’il qualifiait de « clause de style ».

En effet, l’avant-contrat prévoyait la rétractation de la société, acquéreur professionnel, en se référant expressément à l’article L271-1 du Code de la Construction qui évoque pourtant seulement l’acquéreur non professionnel.

La Cour a indiqué que ce droit de rétractation pouvait être entré dans les négociations contractuelles entre l’acquéreur, personne morale professionnelle, et son vendeur, simple particulier en l’espèce.

Le vendeur ne démontrait pas non plus l’erreur commise sur l’objet social de l’acquéreur, ni celle qui aurait résulté des conditions de signature de l’avant-contrat.

La Cour ajoute, qu’une fois contractuellement convenu, la rétractation faite dans les formes et les délais prévue au compromis de vente est alors parfaitement valable.

Ainsi, l’acquéreur, personne morale professionnelle, n’est donc pas tenu de payer la clause pénale pour renoncer à son acquisition.

Il est donc conseiller aux professionnels de l’immobilier de confier la rédaction de leur avant-contrat à un rédacteur minutieux afin d’éviter un contentieux suite à sa signature qui peut durer des années.

Votre avocat peut rédiger votre avant-contrat lors d’une acquisition immobilière et vous apporter tout conseil sur les termes qui y seraient insérés.

Il peut aussi vous assister et vous défendre en cas de contentieux dans le cadre d’une vente immobilière.

Me Sophie RISALETTO

Le changement de corps d’un instituteur en professeur des écoles implique-t-il automatiquement la perte de la gratuité du logement mis à disposition par la commune ?

Les instituteurs bénéficient de la jouissance d’un logement communal à titre gratuit. 

Ce corps d’enseignants est amené à disparaitre par substitution du corps des professeur des écoles.

Ce changement de corps implique la perte de la gratuité du logement.

La disparition de cet avantage n’est pas pour autant automatique et implique que la commune soit précautionneuse dans la modification des conditions financières d’occupation du logement.

Le droit au logement des instituteurs

Le droit au logement des instituteurs trouve son origine dans l’article 12 de la loi du 28 juin 1883 dite loi GUIZOT.

Ce droit, comme l’indemnité représentative (IRL), est néanmoins attaché à la qualité d’instituteur.

Le décret n°90-680 du 1eraoût 1990 a créé le corps des professeurs d’écoles qui est destiné, à l’avenir et sous certaines conditions, à se substituer au corps des instituteurs.

Le changement de corps d’un instituteur en professeur des écoles emporte la perte de la gratuité du logement communal.

Pour autant, l’occupation onéreuse du logement n’est pas automatique.

La commune doit faire preuve de prudence lorsqu’elle décide d’appliquer un loyer à l’occupant nouvellement professeur des écoles.

Premièrement, la mairie doit prendre une délibération en conseil municipal pour instituer une redevance d’occupation du logement.

Ce n’est qu’à partir de cette délibération qu’un loyer peut être dû par l’occupant. (CAA NANCY, 18 novembre 2004, n°00NC01100, Commune Mercy-le-Bas) 

Dans l’hypothèse où le changement de corps de l’instituteur serait intervenu longtemps avant la délibération et que la commune a maintenu implicitement la gratuité du logement, il peut être considéré que l’occupant a bénéficié d’une décision administrative créatrice de droit. (CE, 6 novembre 2002, arrêt SOULIER, n°223041)

Or, cet avantage financier, même illégal au regard du changement de corps de l’instituteur, ne peut être retirer que dans un délai de quatre mois suivant la prise de décision, sous réserve de dispositions légales contraires ou que la commune ne fait que satisfaire une demande du bénéficiaire. (CE, 26 octobre 2001, arrêt TERNON, n°197018)

La rétroactivité de la redevance applicable au logement lors du changement de corps de l’instituteur est refusée lorsque la commune a laissé s’écouler deux années sans réclamer son paiement au professeur. (CAA MARSEILLE, 12 octobre 2004, arrêt ELEDJAM, n°00MA01394)

Dans le cas où la mairie a adressé au professeur un titre exécutoire sollicitant le paiement de la redevance, il convient également que celui-ci indique les bases de la liquidation de la créance et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde. 

L’absence de précision du fondement légal du montant initial de la redevance mensuelle a été considéré comme un défaut de motivation du titre exécutoire entraînant son annulation par le tribunal administratif dans une affaire suivie par mon cabinet.

Enfin, l’avantage financier non formalisé, qui ne résulte pas d’une simple erreur de liquidation, ne peut être retiré une fois le délai de 4 mois écoulé que par la démonstration par la commune que ce dernier a été obtenu par fraude du bénéficiaire. L’échec dans la preuve de la fraude entraînera l’annulation de la délibération instituant une redevance pour le logement du professeur des écoles. (CAA MARSEILLE, 8ème, 18 juin 2013, n°11MA0281). 

Me Sophie RISALETTO

VICES CACHÉS : Pas de droit à la résolution de la vente en cas d’inertie de l’acquéreur dans le déclenchement de l’action en justice

La garantie des vices cachés est l’une des obligations légales pesant sur le vendeur d’un bien à l’égard de son acquéreur.

Sous réserve de la réunion des trois conditions cumulatives de cette garantie, l’acheteur disposait jusqu’à présent, en cas de découverte d’un vice caché, d’une option entre une demande de résolution du contrat (action rédhibitoire) et une demande de diminution du prix de vente (action estimatoire).

Dans son arrêt du 25 juin 2014, La Cour de Cassation semble, à présent, refuser à l’acquéreur le droit de demander la résolution de la vente en cas d’inertie dans le déclenchement de l’action en garantie des vices cachés.

La garantie des vices cachés peut être mise en œuvre lorsque trois critères sont réunis :

  • Le vice doit être inhérent à la chose (ou intrinsèque) et préexistant à la vente.
  • Il doit rendre la chose impropre à l’usage destiné.
  • Il doit enfin être caché, c’est-à-dire imperceptible par l’acquéreur eu égard àune vérification ordinaire du bien et apprécié en fonction de l’état de la chose acquise (neuve ou d’occasion).

Lorsque ces trois conditions sont réunies, l’article 1644 du Code Civil permet à l’acheteur, confronté à des vices cachés affectant le bien acquis, de choisir entre la restitution de la chose en contrepartie du remboursement du prix ou la conservation du bien avec une restitution d’une partie du prix.

Il convient toutefois de noter que cette action en justice doit être déclenchée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, sous peine de forclusion.

La jurisprudence considérait traditionnellement que le choix de l’acquéreur entre une action rédhibitoire ou une action estimatoire s’exerçait librement, sans qu’il ait à en justifier auprès du vendeur ou des tribunaux1.

Les seules limites dans l’option offerte par la législation à l’acheteur étaient matérielles. La perte de la chose ou l’impossibilité de la restituer par exemple constituait un obstacle à l’action en résolution de la vente.

Dans son arrêt du 25 juin 20142, la Cour de Cassation valide cependant la décision des juges d’appel qui ont rejeté la demande principale en résolution de la vente et ont fait droit à la demande subsidiaire de dommages-intérêts.

Ainsi, l’acquéreur ayant subi des vices cachés a été privé de son droit d’opter entre une action rédhibitoire ou une action estimatoire.

Cette position innovante des magistrats de la Cour Suprême s’explique par l’inertie de l’acquéreur dans le déclenchement de l’action en garantie des vices cachés.

En espèce, l’action en garantie des vices cachés n’avait pas été intentée par l’acquéreur du bien et il n’avait pas non plus engagé de travaux pour remédier aux désordres. Ce sont les ayants-droits qui ont assigné le vendeur par suite du décès du feu acheteur intervenu deux ans après la date de conclusion de la vente.

Cette décision ayant été publiée au bulletin des arrêts de la Cour de Cassation, nous pouvons en déduire que l’inertie de l’acquéreur dans le déclenchement de l’action en justice permet aux magistrats de limiter sa liberté de choix résultant de l’option offerte par l’article 1644 du Code Civil relatif à la garantie des vices cachés.

Maître Sophie Risaletto

1 Civ. 1er, 22 mai 2008, Bull. civ. I, n°163
2 Civ. 3ème, 25 juin 2014, n°pourvoi 13-17254

Une nouvelle obligation de vigilance et de diligences de l’agence immobilière dans les contrats qu’elle établit ?

L’agence immobilière est sollicitée par les propriétaires d’un bien aux fins de le vendre ou de le louer.

A ce titre, la législation française considère qu’il reçoit un mandat de conclure un contrat sur l’immeuble avec une tierce personne. 

En tant que professionnel, la jurisprudence lui imposait classiquement une obligation de renseignement et de conseil dans l’exercice de sa mission.

Par deux décisions rendues en appel, l’agence immobilière devrait également faire preuve de vigilance et de diligences dans les contrats qu’elle établit. 

(CA PARIS, pôle 4, chambre1, 5 juin 2014, n° répertoire général : 13/04269 ET CA RENNES, 4èmechambre, 29 novembre 2012, n° répertoire général : 09/06473).

L’obligation de vigilance et de diligences soit mise à la charge de l’agence immobilière

L’agent immobilier est traditionnellement considéré comme un intermédiaire professionnel, négociateur et rédacteur d’un acte, qui est tenu de s’assurer que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à l’efficacité juridique de la convention, ceci même à l’égard de la partie qui ne l’a pas mandaté. (Civ. 1er, 17 janvier 1995, Bull. Civ. I, n°29 ; Civ. 1er, 25 novembre 1997 : Bull. Civ. I, n°321)

La jurisprudence lui imposait par conséquent une obligation de renseignement et de conseil dans l’exercice de son activité.

La charge de la preuve de la consciencieuse exécution des obligations sus-indiquées incombant à l’agence immobilière.

Toute omission d’information par l’agent immobilier causant un préjudice à l’acquéreur ou au vendeur du bien est alors sanctionnée par l’attribution de dommages-intérêts.

Il semblerait à présent qu’une obligation de vigilance et de diligences soit mise à la charge de l’agence immobilière.

En effet, une Cour d’Appel en 2012 avait retenu la responsabilité d’une agence immobilière qui n’avait pas promptement présenté à l’encaissement un chèque d’environ 28.000 euros établi par l’acquéreur au titre de la clause pénale prévue dans la promesse de vente rédigée par ses soins.

La Cour concluant qu’un délai de huit mois pour déposer à la banque ledit moyen de paiement – qui s’est révélé non provisionné – avait entraîné pour les acquéreurs une perte de chance de retrouver brièvement, d’une part, la disposition de leur bien immobilier et d’autre part, de percevoir la sanction financière correspondante au non-respect de son engagement contractuel par l’acquéreur. (CA RENNES, 4ème chambre, 29 novembre 2012, n° répertoire général : 09/06473)

Il convient de noter qu’en l’espèce l’agence immobilière avait un rôle de séquestre des fonds en attendant la réitération de la vente par acte authentique et que les parties n’avaient pas stipulé de délai à laisser écouler avant de procéder à l’encaissement du chèque.

Dans l’arrêt rendu récemment par la Cour d’Appel de Paris, la responsabilité de l’agence immobilière a été retenue au regard d’un paragraphe inséré dans le contrat qu’elle avait rédigé et fait signé aux parties.(CA PARIS, pôle 4, chambre1, 5 juin 2014, n° répertoire général : 13/04269)

Cette disposition contractuelle prévoyait en effet que l’acquéreur versait une somme d’environ 13.000 euros par chèque entre les mains d’un notaire nommément désigné et que l’officier ministériel reconnaissait ce versement de fonds et délivrait bonne et valable quittance à l’acheteur.

La juridiction du second degré a, par conséquent, considéré que l’agent immobilier avait à minimal’obligation de s’assurer que le chèque avait bien été déposé en l’étude du notaire, qui tiers au contrat régularisé et absent lors de sa signature ne pouvait valablement ni reconnaître le dépôt du chèque ni en donner quittance.

La Cour conclut, pour condamner l’agent immobilier à verser au vendeur la somme d’environ 13.000 euros sus-indiquée, que la sûreté imaginée par ce professionnel était ainsi inopérante et que les propriétaires du bien avaient donc été privés d’une chance de percevoir immédiatement le montant de la clause pénale.

A la lecture de ces deux décisions, il semblerait que l’agence immobilière au regard de sa qualité d’intervenant professionnel à un contrat est désormais une nouvelle obligation de vigilance et de diligences, en sus de l’obligation traditionnellement admise en jurisprudence de renseignement et de conseil dans l’exercice de sa mission.

Me Sophie RISALETTO

Les conditions suspensives insérées dans un compromis de vente d’un immeuble sont la loi des parties en cas de difficultés lors de la vente

Au regard de l’article 1134 du Code Civil les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

De fait, la signature d’un compromis de vente, appelé également promesse synallagmatique, constate le consentement des parties au transfert de l’immeuble et permet de demander en justice la réalisation forcée de cet acte.

Néanmoins, il est souvent inséré des conditions suspensives dans le compromis de vente qui ont pour effet principal de conditionner la réalisation de la vente à la survenance d’évènements prédéterminés.

La troisième chambre civile de la Cour de Cassation dans son arrêt du 29 mai 2013 (n°pourvoi 12-17077) a précisé le sort réservé à ce compromis lorsqu’une condition suspensive insérée dans l’acte ne s’est pas réalisée à la date prévue contractuellement.

Le contrôle préalable du compromis de vente par un avocat avant sa signature est vivement recommandé.

Depuis le décret n°55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, les Notaires bénéficient du monopole de publication au fichier immobilier qui recense toutes les modifications pouvant intervenir sur un immeuble.

Par conséquent, les compromis portant sur les terrains, maisons, appartements…, actes préalables à la réalisation définitive de la vente, sont majoritairement rédigés par les officiers publics.

Le législateur français afin d’apporter une protection supplémentaire aux acquéreurs est intervenu pour prévoir l’insertion obligatoire de condition suspensive à la formation définitive du contrat de vente telle que l’obtention d’un prêt immobilier pour un immeuble à usage d’habitation (cf. article L312-2 et suivants du Code de la Consommation).

Ainsi le Notaire insère dans la promesse synallagmatique une ou plusieurs conditions suspensives en fonction du type de bien concerné et de la volonté des clients. Il prévoit également une date de réitération pour l’acte authentique.

Il est de jurisprudence constante que la non-réalisation de l’évènement indiqué dans la condition suspensive dans le délai imparti contractuellement entraîne la caducité du compromis de vente. 

Le vendeur est donc autorisé à demander en justice que la promesse synallagmatique soit déclarée caduque par les tribunaux lorsqu’il a été assigné en réitération forcée de la vente (Civ. 3ème, 13 juillet 1999, n°pourvoi 97-20110)

Pourtant des difficultés subsistaient en cas de condition suspensive relative à la réitération du compromis par acte authentique.

En effet, cette clause lorsqu’elle n’a pas été rédigée de façon assez claire et précise avait pour conséquence de permettre à l’une des parties au compromis de demander la vente forcée de l’immeuble.

Est-ce que la date indiquée pour la réitération du compromis est impérative et donc emporte caducité de celui-ci lorsque la signature de l’acte authentique est demandée postérieurement ? 

Ou est-ce seulement une date à partir de laquelle l’une des parties peut obliger l’autre à s’exécuter ?

La juridiction suprême répond à ces interrogations en se basant sur les termes utilisés dans la condition suspensive et sur la commune intention des parties.

Tantôt l’épuisement de ce délai n’aura pas d’effet extinctif du compromis lorsque la date précisée est susceptible de prorogation automatique selon la Cour de Cassation qui relève la spécificité de la stipulation contractuelle à savoir « la vente sera réalisée par acte authentique(…) au plus tard le 31 décembre 2004 (…) sauf prorogation pour obtention de la dernière pièce nécessaire au notaire rédacteur pour l’établissement de l’acte » (cf. Civ.3ème, 21 novembre 2012, n°pourvoi 11-23382)

Par contre, lorsque la promesse synallagmatique prévoit une date de réitération par acte authentique à un terme fixé sans aucune autre précision, la prolongation du délai est soumise à l’accord express des deux parties. Le silence du vendeur opposé à la demande de l’acquéreur n’empêche pas la caducité du compromis une fois le terme dépassé pour la réitération par acte authentique. Il ne peut en conséquence y avoir de réitération forcée de la vente par les tribunaux. (cf. Civ. 3ème, 29 mai 2013, n°pourvoi 12-17077)

En conclusion, il convient d’être particulièrement vigilant aux termes employés dans les conditions suspensives du compromis de vente afin de ne pas se retrouver « piégé » dans un contrat qui se révèlerait être une mauvaise opération économique pour le vendeur ou l’acquéreur. Le contrôle préalable de cet acte par un avocat avant sa signature est, par conséquent, vivement recommandé.

Maître Sophie RISALETTO