Contrat d’exercice libéral et résiliation du contrat sur le fondement d’une faute grave ou d’un juste motif

Civile 1ère, 14 novembre 2018, n°17-23135 – En cas de faute grave, du fait de son importance, le maintien du contrat d’exercice conclu entre un professionnel de santé et un établissement de santé doit être prononcé avec un effet immédiat, ce qui exclu la réalisation d’un préavis, même de courte durée.

Alors que les notions de « résiliation pour faute », « résiliation pour faute grave », ou encore « résiliation pour juste motif » figurent frequemmment dans les contrats d’exercice libéral, surtout dans ceux plus anciens, la Cour de cassation n’était encore jamais venue définir ces notions, ni fixer le régime de résiliation applicable. C’est désormais chose faite avec cette arrêt de la 1ère Chambre civile du 14 novembre 2018 qui présente un double intérêt.

D’une part, dans cet arrêt la Cour de cassation vient définir cette notion de faute grave. En s’alignant sur la jurisprudence de la Chambre sociale en droit du travail (notamment Sociale, 27 sept. 2007, n°06-43867),  la Cour précise les contours de la faute grave en indiquant que c’est celle « qui rend impossible le maintien d’un contrat (…) pendant une durée même limitée au préavis ».  La définition est en effet identique au cas où les faits reprochés à un salarié rendent impossible le maintien de celui-ci au sein de l’entreprise. La définition donnée par la Cour de cassation est à notre sens transposable au cas de « juste motif » qui peut se retrouver dans certains contrats de collaboration ou d’exercice.

Si le parallèle est ici fait entre l’exercice libéral et l’exercice salarié, on pourra s’interroger sur la prise en compte de la spécificité du premier qui ne peut exister qu’en présence d’une indépendance professionnelle et en l’absence de tout lien de subordination.

D’autre part, et du fait de cette nouvelle définition, la Cour indique que la qualification de faute grave ne peut être retenue « que si la résiliation a été prononcée avec effet immédiat» Donc, si un préavis a été mis en œuvre, la notion de faute à l’égard du praticien doit nécessairement être écartée.

Il s’agit d’un revirement par rapport à l’arrêt ancien et bien connu de la même 1ère Chambre Civile, Civile 1, 13 octobre 1998, n°96-21485 : « la gravité du comportement d’une partie à un contrat peut justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, et que cette gravité (…) n’est pas nécessairement exclusive d’un délai de préavis ». Alors que la Cour de cassation jugeait encore récemment que la réalisation d’un préavis avec l’existence d’une faute ou d’un juste motif (Civile 1ère, 5 avril 2018, n°17-11897), le revirement semble bien être aujourd’hui opéré.

Compte tenu toujours de la spécificité du contrat d’exercice libéral liant un professionnel de santé avec un établissement, et auquel est souvent attaché la patientèle du praticien, on pourra une nouvelle fois s’interroger sur le bien-fondé de cette jurisprudence de la Cour de cassation, et de ce rapprochement avec les règles du droit du travail.

En tout état de cause, il convient de faire preuve d’une vigilance accrue lorsqu’il s’agit d’exposer les motifs au soutien de la résiliation d’un contrat, ainsi lorsqu’il s’agit de déterminer les modalités de fixation du terme à celui-ci, cela en fonction des clauses contractuelles y figurant.

Groupement de coopération sanitaire(ci-après « GCS ») – précisions réglementaires issues de l’arrêté du 5 avril 2019

L’arrêté du 5 avril 2019 vient préciser les mentions que doit contenir la décision d’approbation prise par le directeur général de l’ARS pour la constitution des GCS, ainsi que le contenu du rapport d’activité devant lui être transmis annuellement.

Le GCS, structure de coopération sanitaire dédié à la mise en commun de moyens et d’équipements matériels ou d’autorisations sanitaires, est régit par les dispositions des articles L 6133-1 et s. du Code de la santé publique. Il est constitué par convention soumise à l’approbation du Directeur Général de l’Agence régionale de santé (ci-après « ARS »).

Alors que les textes étaient jusqu’ici relativement flous sur le contenu de l’arrêté d’approbation, l’article 1er de l’arrêté du 5 avril 2019 vient les préciser. Celui-ci devra désormais contenir : 

  • La dénomination et de l’objet du groupement ;
  • L’identité de ses membres ;
  • Le siège social ;
  • La durée de la convention.

Si le GCS a pour objet l’exploitation d’autorisations détenues par un ou plusieurs de ses membres, la décision devra aussi mentionner : 

  • la ou les personne(s) titulaire(s) des autorisations exploitées en commun désignées par leurs numéros d’identification (numéros FINESS) et leurs coordonnées ;
  • la nature des autorisations exploitées en commun. Le cas échéant, la décision précise si l’exploitation commune porte sur tout ou partie d’une autorisation de soins autorisée (articles L. 6121-1 et s. du Code de la santé publique) ;
  • le site géographique d’exploitation en commun ;
  • lorsque l’exploitation porte sur une autorisation d’équipement matériel lourd et que ce dernier a fait l’objet d’un transfert sur le site d’exploitation commune, les coordonnées d’implantation précédant ce transfert ;
  • le cas échéant, l’autorisation du groupement à facturer les soins délivrés aux patients pour le compte de ses membres mentionnant l’échelle tarifaire applicable au groupement. La décision précise les numéros d’identification (numéros FINESS) de l’entité géographique du groupement autorisé à facturer des soins remboursables pour le compte de ses membres, ainsi que ceux des entités géographiques des établissements membres n’étant plus autorisés à facturer au titre de l’autorisation exploitée en commun.

Il s’agit ici de renforcer l’information au tiers, en étant cependant précisé que l’arrêté d’approbation reste publié au Recueil des actes administratifs de la région, ce qui ne rend pas vraiment cet arrêté, aussi complet soit-il en terme d’informations, facilement accessible.

Ensuite, et conformément à l’article R. 6133-9 du Code de la santé publique, le GCS doit transmettre chaque année au directeur général de l’ARS, un rapport retraçant son activité et ses comptes financiers, au plus tard au 30 juin de l’année suivant l’exercice auquel ils se rapportent.

L’arrêté du 5 avril 2019 en fixe le contenu, en lieu et place de l’arrêté du 23 juillet2010, abrogé à compter du 19 avril 2019.

Le rapport annuel doit désormais comporter les éléments suivants : 

  • La dénomination du groupement, l’adresse de son siège, sa nature juridique, sa composition et la qualité de ses membres ;
  • Le ou les objets poursuivis par le groupement ;
  • Le cas échéant, la détention par le groupement d’autorisations d’équipements matériels lourds ainsi que la nature et la durée de ces autorisations ;
  • Le cas échéant, la détention par le groupement d’autorisations d’activités de soins ainsi que la nature et la durée de ces autorisations ;
  • Le cas échéant, la vocation du groupement à exploiter une ou plusieurs autorisations détenues par ses membres, et les modalités de facturation ;
  • Le positionnement du groupement sur son territoire et notamment les actions de coordination et coopération menées dans son périmètre géographique et pouvant avoir un impact sur son activité ;
  • Les indicateurs d’évaluation de l’activité réalisée par le groupement de coopération sanitaire ;
  • Le bilan des actions engagées ;
  • Les comptes financiers du groupement approuvés par l’assemblée générale.

Le bilan de l’action du comité restreint doit aussi être annexé au rapport d’activité. Le directeur de l’ARS peut enfin demander au groupement tout autre élément nécessaire à la réalisation du bilan annuel de l’action des GCS.

Il suit de ces nouvelles dispositions un contrôle accru de la part des ARS sur l’activité et les comptes de ces structures de coopération sanitaire.

BIOLOGIE MÉDICALE : Procédure d’agrément d’un nouvel associé au sein d’une Société d’exercice libéral (ci-après « SEL ») de biologistes et qualité d’associé professionnel en exercice d’une Société de participations financières de professions libérales (ci-après « SPFPL »).

Problématique :

Dans le cadre de notre mission d’assistance et de conseil à des Laboratoires de biologie médicale (ci-après « LBM ») constitués en SEL, nous avons pu nous interroger sur la qualité véritable d’un ou des associé(s) prenant la forme juridique de SPFPL.

Précisément, la question nous a été posée de savoir si, dans le cadre d’une procédure d’agrément d’un nouvel associé, l’associé constitué sous forme de SPFPL pouvait ou non prendre part au vote.

Si de prime abord la question peut paraître simple, tel n’est en fait pas le cas.

Analyse :

Pour notre exposé, nous prendrons le cas d’un LBM qui serait constitué sous forme de Société d’exercice libéral à responsabilité limitée (ci-après « SELARL »).

Il sera rappelé d’abord les dispositions de l’article 5 de la loi n°90-1258 du 31 décembre 1990 sur les SEL qui permet de distinguer trois catégories principales d’associés :

  • D’abord, les associés professionnels biologistes en exercice (ou « Associés professionnels internes » ou « API ») ;
  • Ensuite, les associés professionnels biologistes qui n’exercent pas dans la SEL (ou « Associés professionnels externes » ou « APE ») ;
  • Enfin, les associés non-professionnels de la biologie (ou « Associés non professionnels » ou « ANP ») ;

Il sera encore rappelé que plus de la moitié du capital social et des droits de vote doit être détenue par des Associés professionnels internes, directement ou par l’intermédiaire notamment d’une SPFPL (art.5 de la loi n°90-1258 du 31 décembre 1990).

Les dispositions ci-avant rappelées donnent donc aux SPFPL la qualité d’Associés professionnels internes, au même titre que les biologistes associés en exercice dans la structure.

S’agissant des cessions de parts à des tiers et de la procédure d’agrément, il convient de se reporter à l’article 10, alinéa 3 de la même loi, et à l’article L 223-14 du Code de commerce. Il résulte de l’article L 223-14 que les parts sociales d’une SARL ne peuvent être cédées qu’avec le consentement de la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales, à moins que les statuts n’aient prévu une majorité plus forte.

Pour les SELARL, l’article 10 alinéa 3 substitue à cette double majorité celle d’une simple majorité des trois quarts des associés en exercice au sein de la structure.

Ainsi, conformément à l’article 10 alinéa 3, « pour l’application des dispositions de l’article L 223-14 du code de commerce, l’exigence d’une majorité des trois quarts des porteurs de parts exerçant la profession au sein de la société est substituée à celle d’une majorité à celle d’une majorité au moins la moitié des parts sociales. »

Il faut comprendre d’abord que dans les SELARL, il convient de raisonner par tête, et non par nombre de parts sociales.

Il faut comprendre ensuite que dans les SELARL, pour l’agrément d’un tiers, il convient d’obtenir le vote des ¾ des API.

Pourtant les termes « d’une majorité des trois quarts des porteurs de parts exerçant la profession au sein de la société » ne sont pas clairs.

Ce sont surtout les termes de « porteurs de parts » qui mettent le doute. 

Au sujet du vote des SPFPL dans une procédure d’agrément, on peut comprendre tout et son contraire :

  • On pourrait d’abord comprendre que l’article ne distingue pas entre associés personnes physiques et associés personnes morales – Les SPFPL voteraient donc : la SPFPL est en effet « porteuse de parts ». On pourrait objecter qu’elle n’exerce pas directement la profession mais il nous semble qu’elle conserve, le cas échéant, malgré tout sa qualité d’API sous réserve que son actionnariat soit composé à plus de 50% par des professionnels en exercice. Admettre une solution inverse reviendrait, dans certaines hypothèses, à priver du droit de vote toutes les SPFPL, ce qui ne semble pas avoir été souhaité par le législateur ;
  • On pourrait à l’inverse comprendre aussi que ces termes de « porteurs de parts » ajoutent une condition pour l’agrément, à savoir que le vote est réservé aux biologistes médicaux en exercice dans la structure et personnes physiques.

Les SPFPL, bien qu’API, ne voteraient pas. Ainsi, l’article 10 précité sous-entendrait que le vote est réservé aux personnes physiques.

A ce stade, il n’est pas possible de trancher dans l’un ou l’autre sens.

Cependant, le doute en la matière se trouve renforcé par les termes du décret n°2016-46 du 26 janvier 2016 relatif à la biologie médicale qui est venue règlementer, avec plus de précisions, les procédures de cession de parts et d’actions dans les SEL de biologistes dérogatoires (L 6223-8 II du CSP) et la procédure d’agrément :

« Art. R. 6223-65 du CSP :

I. Le projet de cession de parts sociales ou d’actions d’une société d’exercice libéral de biologistes médicaux mentionnée au II de l’article L. 6223-8 est notifié au représentant légal de la société et à chacun des biologistes médicaux, personnes physiques exerçant dans la société, par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. La notification vaut offre de cession au profit de chacun des biologistes médicaux et mentionne, à peine de nullité, le prix et les conditions.

(…)

V. Dans tous les cas, une copie des notifications mentionnées au I du présent article est transmise au conseil de l’ordre compétent et au directeur général de l’agence régionale de santé dans le ressort desquels est situé le siège social de la société.

V. Toute cession de parts sociales ou d’actions réalisée en violation du présent article est inopposable à la société et aux associés ou actionnaires. »

Effectivement, ce texte, bien que réservé aux seuls SEL de biologistes dérogatoires, vise bien exclusivement, dans son premier alinéa, la notification du projet de cession aux seuls biologistes médicaux, personnes physiques exerçant dans la société, sans qu’il ne soit plus fait référence à la notion de « porteur de parts».

On peut encore une fois soit comprendre que les personnes morales ne participent pas, soit que les personnes morales peuvent participer mais à la seule condition que leurs associés et représentants soient eux-mêmes API personnes physiques.

Les textes sont véritablement peu clairs et mêmes contradictoires.

Dans le cadre de nos recherches, nous n’avons pas trouvé de doctrine sur la question et peu de jurisprudences.

Nous avons tout de même pu isoler un arrêt de la Cour d’appel de Paris, Pôle 2, chambre 1, du 23 janvier 2013, n° 12/03543 qui a invalidé une décision d’exclusion d’un associé d’un cabinet d’avocat constitué sous forme de SELAS. Il s’agissait d’une SELAS composée de trois associés, dont deux personnes physiques et une SPFPL. La décision d’exclusion est invalidée par la Cour au motif que le vote devait réunir l’unanimité, ce qui n’avait pas été le cas, et les juges du fond dans leur calcul relèvent que seuls deux associés exerçaient leur profession au sein de la structure et excluent de fait du vote la SPFPL bien qu’API et détenue par un avocat en exercice dans la structure. Du moins, c’est ce qui peut être déduit a contrario de cette décision.

Au vu de ce qui précède, nous estimons qu’il serait dangereux de faire voter les SPFPL dans le cadre de procédure d’agrément au regard des conséquences en cas de contestation du vote, à savoir l’invalidation celui-ci. 

Du moins, c’est le conseil que nous donnons à nos clients.

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Biologie Médicale (LBM) – La Cour de cassation vient préciser la notion de « ristourne illégale »

Par Maître Eddy LAVIOLETTE

Dans un arrêt du 9 juin 2017, publié au Bulletin, la Cour de cassation est venue préciser la notion de ristourne illégale, notion issue de l’article L 6211-21 du Code de la santé publique (Civile 1, 9 juin 2017, n°16-22094).

Les faits de ce dossier étaient les suivants :

Un Groupe de Cliniques a lancé un appel d’offres privé auprès de LBM afin de voir réaliser les analyses médicales de ses patients ; l’article 11 du cahier des charges de l’appel d’offres comportait une liste non exhaustive de services et prestations mis à disposition des laboratoires par ces établissements et prévoyait l’engagement des soumissionnaires de payer une redevance d’un montant à fixer d’un commun accord avec la société ; qu’après avoir formulé une offre, plusieurs LBM ont reçu un courriel de la société leur demandant de préciser le pourcentage de redevance qu’ils entendaient verser et leur indiquant que l’absence d’une telle précision empêchait la présence de leurs dossiers au premier tour de sélection.

Soutenant que le Groupe avait, ainsi, sollicité une ristourne prohibée par l’article L. 6211-21 du code de la santé publique, plusieurs syndicats de défense de la profession ont assigné la société, afin qu’il lui soit enjoint de cesser toute démarche en vue de la conclusion de telles conventions avec les LBM.

Les précisions de la Cour de cassation en cette matière méritent d’être relevées :

Selon elle, l’article L. 6211-21 du CSP, sous réserve des coopérations dans le domaine de la biologie médicale menées entre des établissements de santé dans le cadre de conventions, de GCS ou de GHT, et sous réserve des contrats de coopération mentionnés à l’article L. 6212-6 du code précité, les examens de biologie médicale sont facturés au tarif des actes de biologie médicale fixé en application du code de la sécurité sociale. Cette disposition interdit aux laboratoires de biologie médicale de consentir des ristournes lors de la facturation de leurs examens consistant, selon l’article L. 6211-1 du code de la santé publique, en des actes médicaux, et n’autorise le paiement de redevances à des établissements sanitaires et médico-sociaux qu’à la condition que celles-ci constituent exclusivement une contrepartie des prestations fournies pour la réalisation de tels examens.

Or, les juges ont relevé que la demande concernant le pourcentage de redevance a été adressée par le Groupe aux laboratoires avant que les services qui leur seraient rendus n’aient été déterminés et chiffrés, établissement par établissement, alors que seul l’établissement concerné est en mesure d’en communiquer le coût, et que cette demande, formulée de manière abstraite, n’a été assortie d’aucune réserve ni précision ; qu’ils ajoutent que les échanges écrits entre la société et divers laboratoires ayant accédé à sa demande, révèlent que certaines propositions de redevances étaient fondées sur le chiffre d’affaires qui serait réalisé par les laboratoires auprès des établissements de la société, laissant ainsi la possibilité à cette dernière de négocier le pourcentage de redevance proposé.En raison de ces constations, la Cour de cassation confirme que la cour d’appel a pu déduire que le Groupe de Cliniques avait méconnu les dispositions de l’article L. 6211-21 du code de la santé publique et causé un trouble manifestement illicite qu’il convenait de faire cesser.

La « fusion » des groupements de coopération sanitaire (ci-après « GCS ») en question ?

22 mars 2017

Par Maître Eddy LAVIOLETTE

Le cabinet NEW WAVE Avocats a été consulté au titre d’un projet de rapprochement de deux GCS régionaux (dont l’objet est de développement de l’e-santé sur le territoire) suite à la réforme territoriale. 

En effet, le regroupement ou la fusion de certaines régions françaises a rendu nécessaire une redéfinition du cadre de certaines coopérations. Sous l’égide des ARS, il a ainsi été demandé aux GCS e-santé régionaux, dont la compétence territoriale était impactée par la réforme, de se rapprocher, de fusionner.

Lorsque l’on connait le cadre législatif et réglementaire applicable aux GCS, il est assez vite apparu évident qu’il n’existait pas d’hypothèse de convergence simple à mettre en œuvre et permettant le rapprochement des GCS e-santé régionaux existants et leur transformation en une seule entité juridique. 

En effet, force était d’abord de constater que les textes législatifs et réglementaires ne prévoyaient pas spécifiquement un mécanisme de fusion entre deux GCS,  à la différence des textes relatifs aux sociétés civiles, aux sociétés commerciales et aux associations.  

De fait, il convenait de mettre en place différentes opérations juridiques permettant d’aboutir à l’objectif poursuivi, mais sans que l’une ou l’autre des structures ne puisse bénéficier d’une transmission universelle de patrimoine proprement dite emportant transmission des actifs, des passifs et des différents engagements d’une des entités partie à l’opération à l’autre entité. 

Deux schémas ont donc dû être analysés, schémas permettant de facto d’aboutir à la fusion recherchée : d’une part, l’absorption d’un GCS par l’autre, la fusion découlant de la dissolution d’un GCS et de la transmission des activités, droits et actifs de celui-ci à l’autre, d’autre part, la création d’une nouvelle entité qui fusionnerait les deux GCS e-santé, avec transmission des biens et activités à la nouvelle entité. 

Ce sont plusieurs critères qui ont permis d’isoler le schéma juridique de rapprochement à retenir :

  • Le sort des actifs des GCS dans le cadre de la réalisation des opérations ;
  • La fiscalité applicable aux opérations ;
  • Les conséquences en matière sociale, contractuelle, etc. ;
  • Et enfin, la volonté d’arrêter un choix sur un mécanisme simple et sécurisé. 

Les mécanismes du droit français apportent des solutions même si les textes sur les GCS ne sont pas d’une grande aide.

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Le changement de corps d’un instituteur en professeur des écoles implique-t-il automatiquement la perte de la gratuité du logement mis à disposition par la commune ?

Les instituteurs bénéficient de la jouissance d’un logement communal à titre gratuit. 

Ce corps d’enseignants est amené à disparaitre par substitution du corps des professeur des écoles.

Ce changement de corps implique la perte de la gratuité du logement.

La disparition de cet avantage n’est pas pour autant automatique et implique que la commune soit précautionneuse dans la modification des conditions financières d’occupation du logement.

Le droit au logement des instituteurs

Le droit au logement des instituteurs trouve son origine dans l’article 12 de la loi du 28 juin 1883 dite loi GUIZOT.

Ce droit, comme l’indemnité représentative (IRL), est néanmoins attaché à la qualité d’instituteur.

Le décret n°90-680 du 1eraoût 1990 a créé le corps des professeurs d’écoles qui est destiné, à l’avenir et sous certaines conditions, à se substituer au corps des instituteurs.

Le changement de corps d’un instituteur en professeur des écoles emporte la perte de la gratuité du logement communal.

Pour autant, l’occupation onéreuse du logement n’est pas automatique.

La commune doit faire preuve de prudence lorsqu’elle décide d’appliquer un loyer à l’occupant nouvellement professeur des écoles.

Premièrement, la mairie doit prendre une délibération en conseil municipal pour instituer une redevance d’occupation du logement.

Ce n’est qu’à partir de cette délibération qu’un loyer peut être dû par l’occupant. (CAA NANCY, 18 novembre 2004, n°00NC01100, Commune Mercy-le-Bas) 

Dans l’hypothèse où le changement de corps de l’instituteur serait intervenu longtemps avant la délibération et que la commune a maintenu implicitement la gratuité du logement, il peut être considéré que l’occupant a bénéficié d’une décision administrative créatrice de droit. (CE, 6 novembre 2002, arrêt SOULIER, n°223041)

Or, cet avantage financier, même illégal au regard du changement de corps de l’instituteur, ne peut être retirer que dans un délai de quatre mois suivant la prise de décision, sous réserve de dispositions légales contraires ou que la commune ne fait que satisfaire une demande du bénéficiaire. (CE, 26 octobre 2001, arrêt TERNON, n°197018)

La rétroactivité de la redevance applicable au logement lors du changement de corps de l’instituteur est refusée lorsque la commune a laissé s’écouler deux années sans réclamer son paiement au professeur. (CAA MARSEILLE, 12 octobre 2004, arrêt ELEDJAM, n°00MA01394)

Dans le cas où la mairie a adressé au professeur un titre exécutoire sollicitant le paiement de la redevance, il convient également que celui-ci indique les bases de la liquidation de la créance et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde. 

L’absence de précision du fondement légal du montant initial de la redevance mensuelle a été considéré comme un défaut de motivation du titre exécutoire entraînant son annulation par le tribunal administratif dans une affaire suivie par mon cabinet.

Enfin, l’avantage financier non formalisé, qui ne résulte pas d’une simple erreur de liquidation, ne peut être retiré une fois le délai de 4 mois écoulé que par la démonstration par la commune que ce dernier a été obtenu par fraude du bénéficiaire. L’échec dans la preuve de la fraude entraînera l’annulation de la délibération instituant une redevance pour le logement du professeur des écoles. (CAA MARSEILLE, 8ème, 18 juin 2013, n°11MA0281). 

Me Sophie RISALETTO

Biologie médicale : Procédure d’agrément d’un nouvel associé au sein d’une Société d’exercice libéral

Procédure d’agrément d’un nouvel associé au sein d’une Société d’exercice libéral (ci-après « SEL ») de biologistes et qualité d’associé professionnel en exercice d’une Société de participations financières de professions libérales (ci-après « SPFPL »).

Problématique

Dans le cadre de notre mission d’assistance et de conseil à des Laboratoires de biologie médicale (ci-après « LBM ») constitués en SEL, nous avons pu nous interroger sur la qualité véritable d’un ou des associé(s) prenant la forme juridique de SPFPL.

Précisément, la question nous a été posée de savoir si, dans le cadre d’une procédure d’agrément d’un nouvel associé, l’associé constitué sous forme de SPFPL pouvait ou non prendre part au vote.

Si de prime abord la question peut paraître simple, tel n’est en fait pas le cas.

Analyse

Pour notre exposé, nous prendrons le cas d’un LBM qui serait constitué sous forme de Société d’exercice libéral à responsabilité limitée (ci-après « SELARL »).

Il sera rappelé d’abord les dispositions de l’article 5 de la loi n°90-1258 du 31 décembre 1990 sur les SEL qui permet de distinguer trois catégories principales d’associés :

  • D’abord, les associés professionnels biologistes en exercice (ou « Associés professionnels internes » ou « API ») ;
  • Ensuite, les associés professionnels biologistes qui n’exercent pas dans la SEL (ou « Associés professionnels externes » ou « APE ») ;
  • Enfin, les associés non-professionnels de la biologie (ou « Associés non professionnels » ou « ANP ») ;

Il sera encore rappelé que plus de la moitié du capital social et des droits de vote doit être détenue par des Associés professionnels internes, directement ou par l’intermédiaire notamment d’une SPFPL (art.5 de la loi n°90-1258 du 31 décembre 1990).

Les dispositions ci-avant rappelées donnent donc aux SPFPL la qualité d’Associés professionnels internes, au même titre que les biologistes associés en exercice dans la structure. 

S’agissant des cessions de parts à des tiers et de la procédure d’agrément, il convient de se reporter à l’article 10, alinéa 3 de la même loi, et à l’article L 223-14 du Code de commerce. Il résulte de l’article L 223-14 que les parts sociales d’une SARL ne peuvent être cédées qu’avec le consentement de la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales, à moins que les statuts n’aient prévu une majorité plus forte.

Pour les SELARL, l’article 10 alinéa 3 substitue à cette double majorité celle d’une simple majorité des trois quarts des associés en exercice au sein de la structure. 

Ainsi, conformément à l’article 10 alinéa 3, « pour l’application des dispositions de l’article L 223-14 du code de commerce, l’exigence d’une majorité des trois quarts des porteurs de parts exerçant la profession au sein de la sociétéest substituée à celle d’une majorité à celle d’une majorité au moins la moitié des parts sociales. » 

Il faut comprendre d’abord que dans les SELARL, il convient de raisonner par tête, et non par nombre de parts sociales. 

Il faut comprendre ensuite que dans les SELARL, pour l’agrément d’un tiers, il convient d’obtenir le vote des ¾ des API.

Pourtant les termes « d’une majorité des trois quarts des porteurs de parts exerçant la profession au sein de la société » ne sont pas clairs.

Ce sont surtout les termes de « porteurs de parts » qui mettent le doute. 

Au sujet du vote des SPFPL dans une procédure d’agrément, on peut comprendre tout et son contraire :

  • On pourrait d’abord comprendre que l’article ne distingue pas entre associés personnes physiques et associés personnes morales – Les SPFPL voteraient donc : la SPFPL est en effet « porteuse de parts ». On pourrait objecter qu’elle n’exerce pas directement la profession mais il nous semble qu’elle conserve, le cas échéant, malgré tout sa qualité d’API sous réserve que son actionnariat soit composé à plus de 50% par des professionnels en exercice. Admettre une solution inverse reviendrait, dans certaines hypothèses, à priver du droit de vote toutes les SPFPL, ce qui ne semble pas avoir été souhaité par le législateur ;
  • On pourrait à l’inverse comprendre aussi que ces termes de « porteurs de parts » ajoutent une condition pour l’agrément, à savoir que le vote est réservé aux biologistes médicaux en exercice dans la structure et personnes physiques.

Les SPFPL, bien qu’API, ne voteraient pas. Ainsi, l’article 10 précité sous-entendrait que le vote est réservé aux personnes physiques.

A ce stade, il n’est pas possible de trancher dans l’un ou l’autre sens.

Cependant, le doute en la matière se trouve renforcé par les termes du décret n°2016-46 du 26 janvier 2016 relatif à la biologie médicale qui est venue règlementer, avec plus de précisions, les procédures de cession de parts et d’actions dans les SEL de biologistes dérogatoires (L 6223-8 II du CSP) et la procédure d’agrément :

« Art. R. 6223-65 du CSP :

I. Le projet de cession de parts sociales ou d’actions d’une société d’exercice libéral de biologistes médicaux mentionnée au II de l’article L. 6223-8 est notifié au représentant légal de la société et à chacun des biologistes médicaux, personnes physiques exerçant dans la société, par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. La notification vaut offre de cession au profit de chacun des biologistes médicaux et mentionne, à peine de nullité, le prix et les conditions. 

(…)

V. Dans tous les cas, une copie des notifications mentionnées au I du présent article est transmise au conseil de l’ordre compétent et au directeur général de l’agence régionale de santé dans le ressort desquels est situé le siège social de la société. 

V. Toute cession de parts sociales ou d’actions réalisée en violation du présent article est inopposable à la société et aux associés ou actionnaires. »

Effectivement, ce texte, bien que réservé aux seuls SEL de biologistes dérogatoires, vise bien exclusivement, dans son premier alinéa, la notification du projet de cession aux seuls biologistes médicaux, personnes physiques exerçant dans la société, sans qu’il ne soit plus fait référence à la notion de « porteur de parts».

On peut encore une fois soit comprendre que les personnes morales ne participent pas, soit que les personnes morales peuvent participer mais à la seule condition que leurs associés et représentants soient eux-mêmes API personnes physiques.

Les textes sont véritablement peu clairs et mêmes contradictoires.

Dans le cadre de nos recherches, nous n’avons pas trouvé de doctrine sur la question et peu de jurisprudences. 

Nous avons tout de même pu isoler un arrêt de la Cour d’appel de Paris, Pôle 2, chambre 1, du 23 janvier 2013, n° 12/03543 qui a invalidé une décision d’exclusion d’un associé d’un cabinet d’avocat constitué sous forme de SELAS. Il s’agissait d’une SELAS composée de trois associés, dont deux personnes physiques et une SPFPL. La décision d’exclusion est invalidée par la Cour au motif que le vote devait réunir l’unanimité, ce qui n’avait pas été le cas, et les juges du fond dans leur calcul relèvent que seuls deux associés exerçaient leur profession au sein de la structure et excluent de fait du vote la SPFPL bien qu’API et détenue par un avocat en exercice dans la structure. Du moins, c’est ce qui peut être déduit a contrario de cette décision.

Au vu de ce qui précède, nous estimons qu’il serait dangereux de faire voter les SPFPL dans le cadre de procédure d’agrément au regard des conséquences en cas de contestation du vote, à savoir l’invalidation celui-ci.  

Du moins, c’est le conseil que nous donnons à nos clients.

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Janvier 2017

Fin de l’efficacité de la clause pénale dans les donations et testaments partage ?

La pratique notariale conseille traditionnellement d’insérer dans les donations et testaments-partage une clause pénale afin que la volonté du disposant soit respectée par ses héritiers.

Cette clause licite, sous certaines conditions, avait déjà une efficacité relative dans le cadre de litiges successoraux traités par les tribunaux.

En effet, les juridictions semblaient réticentes à ordonner son application.

Dans un arrêt du 16 décembre 2015[1], la Cour de Cassation refuse l’application de la clause pénale insérée dans une donation-partage, bien que les demandeurs à l’instance soient déboutés de l’ensemble de leurs prétentions, en indiquant qu’il n’est pas rapportée la preuve que l’action en justice ait été abusive au regard des dispositions de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

La clause pénale insérée dans les actes à titre gratuit est une disposition par laquelle le donateur ou le testateur prévoit, par avance, une sanction applicable au gratifié qui ne respecterait pas sa volonté.

C’est donc un moyen pour le disposant de conforter les allotissements qu’il a réalisés entre ses héritiers et d’essayer de dissuader ceux-ci, lorsqu’il sera décédé, d’introduire une action en justice.

Il est prévu généralement que si l’acte en question venait à être attaqué par l’un des bénéficiaires, pour quelque cause que ce soit, celui-ci serait privé de ses droits dans la quotité disponible.

Lorsqu’un des héritiers assignait en justice les autres gratifiés afin de contester la donation ou le testament-partage les défendeurs sollicitaient alors reconventionnellement l’application de la clause pénale et pouvaient espérer une part plus importante dans la succession du de cujus lorsque les demandeurs étaient déboutés de l’action infondée.

Néanmoins, la Cour de Cassation avait précisé que la clause pénale ne devait pas être appliquée lorsque l’action en justice intentée n’avait pas pour objectif de remettre en question les dispositions insérées dans la donation ou le testament- partage.

Ainsi, l’action de l’héritier à l’encontre d’un partage anticipé au terme duquel celui-ci avait reçu un bien dont il a été ultérieurement évincé par suite de l’annulation du droit de propriété du de cujus, postérieurement à son décès, ne donne pas lieu à application de la clause pénale[2].

De même, il ne doit pas y avoir application de la clause pénale lorsque l’action en justice du co-héritier est dirigée à l’encontre d’une cession de parts sociales réalisée par le de cujus de son vivant au profit d’un autre gratifié, alors que le défunt ne fait seulement que citer cet acte de vente dans son testament-partage et que lesdites parts sociales ont été transmises antérieurement aux dispositions à cause de mort contenant la clause pénale[3].

De surcroît, l’action en interprétation des dispositions contenues dans un testament-partage par un des bénéficiaires ne justifie pas l’application de la clause pénale[4].

Avant même l’arrêt de la Cour de cassation du 16 décembre 2015, on constatait déjà que la clause pénale insérée dans la donation ou le testament partage avait une efficacité relative en cas de saisine des tribunaux par un des co-héritiers.

Cependant, le refus d’appliquer ladite clause pouvait se justifier par le respect de la volonté présumée du de cujus lors de la répartition des biens dans l’acte ou/et une limitation d’effets aux allotissements contenus dans la disposition entre vifs ou à cause de mort.

A présent, l’arrêt du 16 décembre 2015, qui a refusé l’application de la clause pénale insérée dans une donation-partage, bien que les demandeurs à l’instance soient déboutés de l’ensemble de leurs prétentions, laisse présager la fin de l’efficacité de la clause notariée dans les donations et testaments-partage.

En effet, les héritiers assignés par les autres bénéficiaires des dispositions entre vifs ou à cause de mort ne pourraient plus bénéficier des effets de la clause pénale s’ils ne rapportent pas la preuve de l’abus, par les autres héritiers, de l’exercice d’une action en justice.

Certes, ce raisonnement, qui s’appuie sur l’article 6 § 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme prévoyant que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle»,peut paraître plaisant comme respectant un droit fondamental.

Mais écarter l’application de la clause pénale dans les cas d’espèces où la juridiction déboute les demandeurs qui ont élevé une contestation infondée et ont de facto refusé de respecter la volonté du disposant porte atteinte à la force obligatoire des conventions, outre le risque de multiplication des procédures judiciaires devant des tribunaux déjà fortement engorgés.

Maître Sophie Risaletto

[1] 1er Civ., 16 décembre 2015, n° pourvoi 14-29285
[2] Civ. 1er, 10 mai 1989, n° pourvoi 87-12576
[3] Civ. 1er, 19 mars 2014, n° pourvoi 13-11939
[4] CA AIX EN PROVENCE, 19 octobre 2014, JurisData n°2004-257372

La clause de contribution aux charges du mariage contenue dans le contrat de mariage empêche de demander une créance à l’autre époux lors du divorce

L’article 214 du Code Civil dispose que « Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives. »

Cette disposition s’applique quel que soit le régime matrimonial choisi par les époux et permet dans le cadre d’un contrat de mariage d’adapter la participation de chaque conjoint aux frais de la vie du couple.

Prévue principalement dans le régime matrimonial de séparation de biens, cette clause sur la contribution aux charges du mariage trouve son principal intérêt lors de la séparation du couple pour cause de divorce.

En effet, l’époux qui a des revenus supérieurs à ceux de son conjoint tente fréquemment d’obtenir une créance à son encontre dans le cadre de la liquidation de leur régime matrimonial.

Par sa décision du 1er avril 2015[1], la Cour de Cassation a souhaité expliciter la portée de la clause notariée.

Le régime légal français, applicable à défaut de contrat de mariage, est celui de la communauté de biens réduite aux acquêts. Tout bien meuble ou immeuble acquis pendant le mariage est alors présumé être commun aux deux époux, sauf preuve contraire.

Ainsi, pour des raisons de protection du patrimoine à l’encontre d’éventuels créanciers les époux préfèrent adopter le régime de la séparation de biens défini aux articles 1536 et suivants du Code Civil qui entraîne une séparation de leurs patrimoines et de leurs revenus.

A cette fin, les conjoints se rendent chez un notaire afin qu’il rédige le contrat de mariage régissant notamment leurs rapports patrimoniaux, et plus spécifiquement les modalités de contribution aux charges du mariage par chacun d’entre eux.

La pratique notariale insère quasi-systématiquement une clause relative à cette participation rédigée comme suit : « Les futurs époux contribueront aux charges du mariage en proportion de leur facultés respectives, conformément aux dispositions des articles 214 et 1537 du Code Civil. Chacun d’eux sera réputé s’être acquitté jour par jour de sa part contributive aux charges du mariage, en sorte qu’ils ne seront assujettis à aucun compte entre eux, ni à retirer à ce sujet aucune quittance l’un de l’autre. »

Cette clause ne pose pas de difficultés jusqu’au divorce où l’un des conjoints peut être tenté de demander à son futur ex-époux de lui restituer les fonds qu’il a investis dans le couple, et en particulier pour l’acquisition de biens immobiliers indivis dont l’ancien domicile conjugal.

Il s’agissait alors de solliciter du Juge aux Affaires Familiales le constat d’une créance entre époux par la démonstration que l’époux demandeur a contribué au-delà de la participation auquel il était tenue de par l’article 214 du Code Civil et les dispositions de son contrat de mariage.

Dans l’hypothèse où le magistrat faisait droit à la demande de l’époux, son conjoint qui pensait détenir par exemple 50 % de la propriété du domicile conjugal pouvait alors lui devoir une somme équivalente à la valeur de sa quote- part de propriété et de facto se retrouver sans aucun droit sur ledit bien immobilier.

Certains arrêts avaient considéré que la clause contenue dans le contrat de mariage n’instaurait qu’une présomption simple d’exécution régulière de l’obligation de contribution aux charges du mariage et n’empêchait pas l’époux de réclamer une créance entre époux.

Face à ces errements dans l’application de la clause notariée, la Cour de Cassation avait par deux arrêts de 2013[2] rappelé la force contractuelle de la présomption instaurée par la clause notariée relative à la contribution aux charges du mariage et exclu toute créance entre époux.

Par sa décision du 1er avril 2015, la Cour de Cassation affirme explicitement que la clause contenue dans le contrat de mariage interdit aux époux de prouver que l’un ou l’autre des conjoints ne s’était pas acquitté de son obligation et ferme ainsi la porte à la reconnaissance par les juges d’une quelconque créance entre époux sur le fondement d’une contribution supérieure de l’un des conjoints.

Maître Sophie Risaletto

[1] 1er Civ., 1er avril 2015, n° pourvoi 14-14349
[2] 1er Civ., 15 mai 2013, n° pourvoi 11-26933 ; 1er Civ., 25 septembre 2013, n° pourvoi 12-21892